Article initialement publié sur Le Média presse le 17 mai 2018
Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a donné, à demi-mot, ce 16 mai 2018, son aval pour la reconversion de la raffinerie Total de la Mède, en bio-raffinerie. Problème : ce projet s’avère nocif pour l’environnement.
En juillet 2017, Nicolas Hulot affirmait fièrement vouloir « mettre fin à l’importation en France de produits contribuant à la déforestation. » Le ministre d’Emmanuel Macron visait alors plusieurs produits, comme le bois, le soja, le coton, l’hévéa et le cacao, mais aussi et surtout l’huile de palme. D’après un rapport du Parlement européen, « 40 % de la déforestation mondiale est imputable au passage à des plantations en monoculture de palmiers à huile à grande échelle ». Ce phénomène fragilise l’écosystème et menace les populations d’orangs-outans, de rhinocéros et de tigres. Pourtant, les importations de l’huile végétales contre lesquelles Nicolas Hulot prétendait partir en guerre s’apprêtent à doubler, avec sa bénédiction. En cause, un projet de bio-raffinerie de Total qui utilisera 500.000 tonnes par an, venues d’Indonésie et de Malaisie.
Un projet à 275 millions d’euros
En 2015, Total annonçait la reconversion de sa raffinerie de la Mède, dans les Bouches-du-Rhône. Le groupe a alors cessé d’y raffiner du brut, pour investir dans d’autres projets : un dépôt pétrolier, une ferme solaire et une bio-raffinerie, pour la bagatelle de 275 millions d’euros. Les biocarburants doivent utiliser entre 60% et 70% d’huiles végétales (soja, colza, tournesol, maïs, palme) et le reste d’huiles alimentaires usagées (huile de friture) et d’huiles résiduelles (graisse animale, huiles issues de l’industrie papetière ou résidus de palme…). Validé par le préfet, le projet doit être mis en place cet été. Nicolas Hulot a promis de l’encadrer. Clément Sénéchal, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace France, nous affirme pourtant que le ministre « n’a rien obtenu de nouveau, contrairement à ce qu’il prétend ». « La France ouvre donc tout grand les vannes de l’huile de palme, à rebours de la lutte contre le changement climatique. […] Comment un Ministre de la Transition Écologique et Solidaire peut-il ainsi servir de caution à un projet industriel destructeur pour les forêts et la biodiversité de notre planète ? Nicolas Hulot, qui a évoqué un éventuel départ du gouvernement à l’été, semble en réalité avoir déjà démissionné sur ce dossier », dénonce-t-il dans un communiqué sur le site de l’ONG publié ce 16 mai. Enfin, selon lui, la France va à rebours des engagements pris lors de la COP21, qui s’est déroulé à Paris en 2015, dont l’article porte justement sur la préservation des forêts.
Total affirme pourtant que les biocarburants sont écologiques. Ils seraient « deux fois moins polluants que les carburants traditionnelles ». Ce n’est pas de l’avis de Clément Sénéchal qui nous explique qu’au contraire, les « émissions de gaz à effet de serre sont trois fois supérieures aux carburants fossiles. » Il nous rappelle aussi leur impact dans « la variabilité des prix » des matières premières utilisées, qui ont de vrais impacts sociaux, ainsi que « la pression foncière », qu’ils engendrent. Il est néanmoins probable qu’en lançant ce projet, la célèbre entreprise pétrolière et gazière croyait réellement bien faire. Selon Clément Sénéchal, durant une quinzaine d’années, les directives européennes encourageaient les biocarburants. Des aides fiscales et des subventions sont mises en place, afin de favoriser leur production malgré leur faible rendement. Les résultats sont spectaculaires. Entre 1995-2015 la production mondiale d’huile de palme a augmenté de 335%. Aujourd’hui, sept millions de tonnes d’huile de palme sont importées chaque année au sein de l’UE, soit une consommation annuelle de plus de 12 litres d’huile de palme par Européen, ce qui fait de la zone le deuxième importateur mondial. Sans surprise, 75% en France et 46% en Europe est utilisée dans les seuls biocarburants. Pour Sénéchal, « nous avons créé un monstre qui, aujourd’hui, nous échappe. »
L’Union européenne contre l’huile de palme
Mais l’huile de palme n’est depuis peu plus en odeur de sainteté. Début avril, les députés européens ont massivement voté pour l’adoption d’un rapport d’initiative qui vise à limiter le recours à l’huile de palme dans l’Union. Si l’objectif annoncé est de supprimer progressivement l’huile de palme dans les biocarburants d’ici 2021, la législation est moins contraignante qu’elle en a l’air, puisqu’il surtout de « sortir l’huile de palme des aides européennes, ce à quoi s’oppose la France », souligne Clément Sénéchal. Quoiqu’il en soit, le projet de la raffinerie de Mede rencontre une vive contestation, notamment dans les milieux écologiques, mais pas seulement. La section CGT de Mede y est aussi opposée. Face à ces levées de boucliers, Total affirme qu’elle ne dépassera pas un taux d’incorporation de 7%, comme l’autorise la législation hexagonale et « prend l’engagement de limiter l’approvisionnement en huile de palme brute à un volume inférieur à 50% des volumes de matières premières qui seront traitées sur le site, soit au plus 300 000 tonnes par an ». Pas de quoi calmer les craintes légitimes.
Photo : Nicolas Hulot dans les espaces Générations climat, 7 décembre 2015
Crédits : COP PARIS/ Wikimedia commons