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Crise interne profonde à « Valeurs actuelles » ?

Article initialement publié le 18 mai 2018 sur Le Média presse

Le 28 avril dernier, nos confrères de Mediapart révélaient les probables départs d’Yves de Kerdrel et Jean-Claude Dassier, directeur général et administrateur de Valmonde, la société qui édite le célèbre hebdomadaire de droite. Derrière ces réorganisations semble se cacher une profonde crise interne. 

Une crise que personne ne soupçonnait il y a peu couve à Valeurs actuelles. « La rédaction de l’hebdomadaire ultradroitier Valeurs actuelles est en pleine effervescence depuis un conseil d’administration de la société éditrice Valmonde & Cie qui s’est tenu le 27 avril. Les représentants du personnel présents à ce conseil ont découvert à cette occasion que le directeur général, Yves de Kerdrel, était sur le point d’être licencié par les actionnaires, alors que jamais les résultats financiers du journal n’ont été aussi élevés. De la même manière, Jean-Claude Dassier, ancien patron de LCI et administrateur de Valmonde depuis plus de six ans devrait être révoqué », nous a informé Mediapart.

Ce ne serait pas tout. Plusieurs journalistes du magazine affirment que Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction, serait en danger, sans pour autant risquer d’être licencié. Enfin, le nom du successeur de Kerdel circule dans la rédaction. Il s’agirait d’Erik Monjalous, président de l’agence numérique 6Medias et ancien directeur commercial et marketing de l’AFP, actuellement en mission à L’Opinion. Cette information est aussi rapportée par La lettre de l’audiovisuel. Monjalous devrait arriver avant l’été(1). Sa nomination recentrerait un hebdomadaire qui ambitionnait au départ d’être celui de toutes les droites. Car le problème ne viendrait pas des ventes, certes en recul, mais encore très élevées. Il proviendrait plutôt de la ligne politique, jugée trop à droite pour les actionnaires et certains journalistes, et de la gestion humaine.

De Kerdrel à Lejeune : histoire d’une droitisation assumée

Yves de Kerdrel, admirateur de Blair et intime de Macron, prend la tête du groupe Valmonde le 1er octobre 2012 et devient directeur général de Valeurs actuelles. Son bilan comptable est impressionnant. Quand, il arrive, l’hebdomadaire est diffusé à 88.000 exemplaires. Cinq ans plus tard, la diffusion s’établit à 121.000 avec un pic à 123.000 en 2015, selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Il permet aux finances de repasser dans le vert en 2013. La méthode de ce libéral-conservateur est simple : à une époque où la presse mainstream se centrise et fait mine d’être neutre, Valeurs actuelles assume son positionnement politique, quitte à choquer avec ses unes. Les sujets de sociétés prennent alors de plus de place. En 2013, Jean-Claude Dassier, alors vice-président du magazine, explique à propos des unes chocs : « C’est de la provocation, on le fait exprès évidemment. Dans les kiosques, il faut comprendre qu’on est rangé entre Alternatives économiques et Jeune Afrique. Quand on est petit au fond d’une classe, il faut bien être un peu turbulent pour se faire remarquer. » De fait, à ce moment, le contenu est plus modéré qu’il n’y paraît.

Selon Kerdrel, « le profil type [des lecteurs] est un Français bourgeois, rural, de profession libérale, avec des préoccupations très provinciales. Il est contre le politiquement correct et contre le parisianisme ». En revanche, il assure que le lecteur de Valeurs actuelles vote assez peu FN, « beaucoup moins que celui du Figaro Magazine ou de Marianne ». Il n’hésite néanmoins pas à décentrer la ligne. « Il y avait une part de marché à prendre. La France des invisibles gronde, le pays se droitise. Je laboure un terrain plus important qu’en 2012 », explique-t-il en 2016 à Libération. Il provoque alors des modifications dans la rédaction.

En 2015, alors que l’homme d’affaires Iskandar Safa, Libanais maronite et ancien combattant des Gardiens des cèdres, milice nationaliste chrétienne, devient actionnaire à 70% de Valeurs actuelles, le magazine connaît de gros bouleversements, indépendamment de sa volonté. Onze des cinquante salariés quittent le navire, dont Éric Branca, alors directeur de la rédaction et de sensibilité plutôt gaulliste. Yves de Kerdrel devient alors directeur de la rédaction et poursuit le travail de droitisation déjà bien entamé. En 2016, il laisse sa place de directeur de la rédaction à Geoffroy Lejeune, ce qui marque une nouvelle étape.

Alors rédacteur en chef du service politique, Lejeune devient à 28 ans le plus jeune directeur de rédaction de France. Dans Les nouveaux enfants du siècle (Cerf, 2016), Alexandre Devecchio le décrit comme « un des meilleurs observateurs » de la Manif pour tous et estime que « sa nomination à la tête de l’hebdomadaire après une trajectoire météorique est un des signes du basculement culturel et générationnel en cours. » Disciple affirmé d’Éric Zemmour et proche de Marion Maréchal-Le Pen, il publie en 2015 chez le très à droite Ring Une élection ordinaire, roman où il imagine l’élection du polémiste à la présidence de la République en 2017. Il se fait connaître du grand public le 26 septembre 2015 sur le plateau de Laurent Ruquier face à Léa Salamé et Yann Moix. Depuis, il intervient régulièrement dans les grands médias, comme CNews. Sous Lejeune la droitisation s’accélère encore. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est à Valeurs actuelles que Marion Maréchal-Le Pen accorde en mai 2017 son entretien-testament et que c’est toujours au même magazine qu’elle fait son retour médiatique en février 2018.

Christophe, journaliste pour le magazine depuis plusieurs années(2), nous affirme que « la proximité de Geoffroy Lejeune avec Marion Maréchal Le Pen peut causer des frictions en réunion de rédaction : il veille sur elle comme un agent veille sur sa star. » Il déplore aussi que depuis sa nomination « l’aspect militant a pris le pas sur le journalisme ». S’il rappelle que « VA a toujours eu une ligne et l’a assumée », il constate que certaines choses ont changé. « Des journalistes ne quittent jamais leur bureau et écrivent leurs papiers en se reposant uniquement sur des articles de confrères auxquels ils ajoutent un ton éditorial propre à VA », nous explique-t-il. De son côté, Damien remarque que les arrivées sont « plus issues de la mouvance militante que journalistique ». Le résultat est que, selon Christophe, « certains journalistes ont de la peine à défendre la ligne du journal particulièrement lorsqu’il s’agit de sujets sociétaux. » Grégoire, également journaliste au sein de l’hebdomadaire, va dans le même sens. Selon lui, « une certaine droite proche de la Manif pour tous ou de Villiers, qui flirte avec l’extrême droite, a pris le pouvoir et ce n’est pas au goût de tout le monde. » Car, pour Damien, « la rédaction est hétéroclite ». La promesse d’être le média de la droite dans sa diversité et ses nuances n’est plus respectée. En août 2017, Tugdual Denis, arrivé moins d’un an auparavant de L’Express, claque la porte. « Une belle prise dont on était fiers «  précise Christophe(3). Il est maintenant grand reporter au service politique du Point. Aujourd’hui, une arrivée récente cristallise les tensions : celle de Charlotte d’Ornellas.

La gestion de Lejeune mise en cause

Arrachée aux mains des marionistes de L’Incorrect, dont elle est l’une des cofondatrices, en octobre 2017, d’Ornellas est une recrue de choix pour Lejeune. Longtemps journaliste indépendante, Charlotte d’Ornellas a notamment collaboré à Présent, quotidien des catholiques identitaires, et au très à droite Boulevard Voltaire. « A côté de Boulevard Voltaire, Valeurs actuelles c’est L’Express », ironise Damien. Elle est aussi chroniqueuse dans l’émission Bistro Libertés de la web TV d’extrême droite TV Libertés. Durant la primaire 2016, d’Ornellas a aussi été conseillère relations presse de Jean-Frédéric Poisson. Elle est principalement connue pour son engagement aux côtés des chrétiens d’Orient et son intérêt pour la guerre civile en Syrie. « Nouvelle idole du monde de la “réinformation” », la journaliste se vit « comme la représentante d’une jeunesse qui dit son ras-le-bol mais sans colère » selon Pascale Tournier dans Le vieux monde est de retour (Stock, 2018). Cette dernière relève aussi que d’Ornellas « reconnaît assumer son ancrage à l’extrême droite : au second tour de la présidentielle, elle vote sans hésitation en faveur de Marine Le Pen. » Jeune égérie des “nouveaux conservateurs”, elle a plus de 16.000 followers sur Twitter et est chroniqueuse sur CNews. « C’est une des raisons qui a poussé Geoffroy à la prendre » avance Grégoire. Ce n’est évidemment pas la seule. « Quelques semaines avant son arrivée, Charlotte d’Ornellas cherchait à rassurer Geoffroy Lejeune : “Nous allons gagner la bataille culturelle” », se souvient Christophe. L’arrivée de la jeune femme n’est cependant pas au goût de tout le monde. « Son embauche a peut-être jeté de l’huile sur le feu », confesse Damien. Pour lui, « elle est plus militante que journaliste ». « Certains sont mécontents. Personne ne se plaint directement à Geoffroy, mais on entend des bruits de couloir », renchérit Grégoire. Pour Christophe, « Charlotte incarne un courant à droite de la droite dont beaucoup souhaitent s’éloigner. »

Peu de temps après son arrivée, « le service économique a tenté un “putsch” en interpellant les actionnaires », d’après Christophe. Si le problème est réglé, l’accalmie est de courte durée. Le journaliste nous raconte : « En février dernier, des journalistes ont été entendus afin de déterminer les problèmes dans la rédaction. Selon Geoffroy, il a tapé du poing sur la table devant Iscandar Safa ; afin d’obtenir l’éloignement de Mougeotte et Villeuneuve de la rédaction. Ces derniers semblent peu apprécier sa ligne droitière. » Certes, rien ne prouve que Charlotte d’Ornellas soit directement en cause, mais tout indique qu’elle est la goutte d’eau qui a fait déborder un vase trop plein. Peut-être que le récent recrutement de Diane Malosse, passée par Le Point et L’Obs, au profil plus “modéré”, a pour objectif d’atténuer les critiques. Néanmoins, tout n’est pas purement politique. « Le management humain est aussi en cause », prévient Grégoire.

Comme le rapporte Mediapart, une société des rédacteurs est actuellement en train de se créer, vraisemblablement à l’initiative d’Olivier Maulin, écrivain reconnu et journaliste au service culture, et Arnaud Folch. Selon Grégoire, « certains éléments sont placardisés sans vraies raisons, alors qu’avant ils écrivaient toutes les semaines ». Ce serait le cas d’Arnaud Folch, marginalisé par Kerdrel depuis la nomination de Geoffroy Lejeune. Pourtant, ce n’est un secret pour personne que Folch, qui a commencé sa carrière chez Minute, penche largement vers l’extrême droite. « Le souci est qu’il est trop antilibéral sur le plan économique pour Kedrel », selon Grégoire. Dans le même temps, le journaliste affirme que « des gens sont promus sans aucune justification, comme Bastien Lejeune », petit frère du directeur de la rédaction qui dirige aujourd’hui le web. « Il n’y a eu aucune communication officielle concernant sa promotion, nous l’avons découvert dans l’ours », nous explique Grégoire. Rien ne semble justifier l’ascension de ce jeune journaliste, « ni spécialement bon, ni spécialement mauvais », si ce n’est la bienveillance de son grand frère. Depuis l’arrivée de Charlotte d’Ornellas il écrit souvent avec elle dans le magazine sur des sujets de société ou politique importants.

Mais “le clan Lejeune”, comme les nomment certains, s’avère être un colosse aux pieds d’argile. Si Damien, moins sévère que ses collègues, estime que « Lejeune tient très bien la baraque », il croit néanmoins qu’il est en danger. « Geoffroy est le bébé de Kerdrel, leurs destins sont liés », conclut-il. Pour le moment, difficile d’en savoir plus. Une question se pose néanmoins : s’il était démis de son poste qui pourrait le remplacer ? Aucun des journalistes interrogés n’a le début d’une réponse.

 

(1) Contactés à ce sujet, Etienne Mougeotte et Charles Villeneuve, actionnaires, n’ont pas répondu.

(2) Pour des raisons évidentes, les noms des journalistes qui ont témoigné ont été changés.

(3) L’intéressé a néanmoins affirmé sur Twitter, en réaction à l’article : « Je n’ai en rien « claqué la porte ». Au contraire, je l’ai refermée poliment, après avoir sincèrement remercié pour la superbe expérience qu’il venait de m’offrir. »

« Amargie » : un pièce pour rendre l’économie aux citoyens »

Article publié initialement le 11 mai 2018 sur Le Média presse

Dans sa dernière pièce, « Amargi », Judith Bernard démystifie une des croyances économiques les plus néfastes de notre époque : la nécessité de rembourser la dette.
Professeure, chroniqueuse, comédienne, metteuse en scène : malgré ses multiples casquettes, Judith Bernard lutte depuis plusieurs années pour une seule et même cause, la démocratie. Ce mode de gouvernement n’est pas qu’une affaire d’institution, elle est aussi liée à l’économie. Avec Amargi, son dernier spectacle qu’elle joue depuis 2016 au théâtre de la Manufacture des Abbesses, à Paris, Judith Bernard entreprend de rendre au peuple le contrôle de la dette. Pour ce faire, elle doit au préalable expliquer les mécanismes monétaires sous-jacents, ainsi que leur histoire. L’objectif est de démontrer que la dette n’est pas une faute morale et que l’économie n’obéit pas à des lois universelles immanentes.

Le casse-tête de la dette

En 2016, la dette mondiale, privée et publique cumulée, atteignait le montant astronomique de 164.400 milliards selon le FMI, soit 225% du PIB. Le capitalisme est depuis une dizaine d’années empêtré dans un schéma absurde. De la même manière que Sisyphe était condamné à faire rouler éternellement jusqu’en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet, es économies occidentales semblent forcées de mener des politiques d’austérités budgétaires pour alléger la dette qui augmente inexorablement. Ainsi, depuis la crise des subprimes de l’été 2007, qui nous a menée à la crise économique de 2008, elle a progressé de près de 42%. La dette semble être le malheur de notre époque qui condamne sans distinction Etats, entreprises et citoyens, pour le plus grand bénéfice des prêteurs. Ou plutôt des banquiers privés, puisque l’acte I d’Amargi nous rappelle que finalement rien ne nous est prêté. En effet, les banquiers créent la monnaie, ex nihilo, à partir de rien, lorsqu’ils nous accordent un crédit. Ils font apparaître une ligne sur notre compte et l’inscrivent à leur actif. Un mécanisme qui est contrôlé par la banque centrale, par le biais du taux de réserves obligatoires – pourcentage de leur solde comptable que les banques commerciales doivent détenir sur leur compte à la banque centrale pour accorder un nouveau crédit –, le taux de refinancement, qui rémunère les liquidités des banques, ou encore le taux interbancaire, auquel les banques se prêtent entre elles.

Ces mécanismes complexes, qu’ont le plus grand mal à assimiler les élèves de SES au lycée, voire de licence d’économie à l’université, sont expliqués de manière ludique dans la pièce. Pour réussir cet exploit, Judith Bernard personnifie les acteurs du système (banquier, jeune femme endettée, ou contestataire du système) et utilise des balles en plastiques et des cerceaux, qui permettent de se figurer les différentes étapes de l’endettement. A la fin, il apparaît très clairement que le capitalisme, grâce aux Etats et l’Union européenne, a confié la création monétaire aux banques, pour leur plus grand profit. L’endettement n’est qu’une conséquence normale de cela. Le tout génère en plus un système instable. Les banques étant toutes reliées entre elles, la chute de l’une peut entraîner cette de toutes les autres, comme cela a failli se produire en 2008. Il est néanmoins dommage que les politiques menées par les principales banques centrales – Réserve fédérale américaine (Fed), Banque centrale européenne (BCE), Banque d’Angleterre (BoE) et Banque du Japon (BoJ) –, depuis la crise ne soient pas analysées. Celles-ci permettent à l’économie mondiale de ne pas sombrer, moyennant une énorme bulle financière, dont nous paierons un jour le prix fort. Quoi qu’il en soit le système monétaire bénéficie aux banques, au détriment des autres acteurs. Auraient-il été possible de faire autrement ? Oui, car ce n’est que le produit de la lutte des classes, et c’est que prouve le deuxième acte.

Une autre société est possible

Les cinq acteurs entreprennent alors de retracer les origines de la dette et de la monnaie. Ce retour en arrière nous mène 2000 ans avant notre ère, en Mésopotamie. La civilisation sumérienne invente alors la monnaie et la dette. Ils mettent néanmoins en place son antidote, l’Amargi. Signifiant « liberté », il désignait une fête : celle de l’annulation de toutes les dettes, décidée par le roi. En remettant les ardoises à zéro, les Sumériens empêchaient ainsi que la dette ne réduise à jamais les plus pauvres. La monnaie révèle aussi son caractère anthropologique. Durant tout l’acte, Judith Bernard et ses acteurs nous montrent, souvent avec humour, comment à travers les époques et les sociétés la question de la dette a été réglée : par la guerre, l’assassinat des banquiers ou l’effacement de la dette. Ce détour historique ludique nous prouve quelque chose d’essentiel : d’autres systèmes sont possibles. Mais la pièce ne s’arrête pas là. Un troisième acte tente de nous montrer une autre voie possible et désirable.

Dans l’ultime acte, l’une des actrices, Toufan Manoutcheri, se retrouve dans un monde alternatif. Les capitalistes ont été expropriés. La propriété lucrative, c’est-à-dire le droit de tirer un revenu de son patrimoine en tant que propriétaire, a été abolie et seule la propriété d’usage, le droit d’user de son patrimoine, persiste. L’ensemble des revenus a été mutualisé, ce qui permet un « salaire à vie » tel que défendu par Bernard Friot et le Réseau salariat. L’endettement est alors mis au service du peuple, qui contrôle la création monétaire. Encore une fois, les mécanismes et les étapes pour en arriver là sont présentés de manière ludique et drôle.

L’économie est un sujet trop sérieux pour être laissé aux économistes. Il n’aura fallu à Judith Bernard qu’une heure et demi, trois actes et cinq comédiens pour nous le prouver. Pour cela, la metteuse en scène a utilisé une riche bibliographie (donnée plus bas), qu’elle laisse à la fin à disposition du public. En conclusion, une pièce que tous les citoyens devraient voir. Ceux qui le feront ce dimanche 13 mai auront en plus la chance d’assister ensuite à une conférence de Bernard Friot, qui la regardera pour une énième fois.

Bibliographie :

  • David Graeber, Dette, cinq mille ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, 2013
  • Frédéric Lordon, La Malfaçon, Les Liens qui Libèrent, 2014
  • André Orléan et Michel Aglietta, La Monnaie entre violence et confiance, Odile Jacob, 2002
  • Bernard Friot, Émanciper le travail, La Dispute, 2014

Photo : Représentation d’Amargi

Crédit : Teaser/ Capture d’écran

Comment Marion Maréchal-Le Pen organise son retour

Article initialement publié le 24 avril 2018 sur Le Média presse

Moins d’un an après son retrait de la vie politique, Marion Maréchal-Le Pen annonce l’ouverture prochaine de son académie de sciences politiques. Une initiative qui s’inscrit dans une stratégie plus large d’hégémonie culturelle.

C’était en mai 2017. La plus jeune députée de la Ve République décidait de ne pas se représenter pour un deuxième mandat à l’Assemblée nationale. Elle accordait alors un entretien-fleuve à Valeurs Actuelles, en forme de testament politique. « La droite traditionnelle et les classes populaires ont un souci commun, c’est celui de leur identité », pouvions-nous lire. L’ex-députée du Vaucluse précisait : « le souci commun de l’électorat de la droite conservatrice et de la France périphérique, qui n’ont pas le même rapport à la mondialisation, c’est le souci de la transmission de leurs patrimoines matériel et immatériel. » Se déclarant appartenir à « la droite Buisson » – en référence à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, théoricien d’un populisme identitaire chrétien –, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen affirmait aussi pouvoir travailler avec Laurent Wauquiez, devenu depuis le patron de LR. Elle décidait néanmoins de se retirer, au moins temporairement, de la vie politique. Quelques semaines après, elle récidivait dans Eléments, magazine de la « nouvelle droite » néo-païenne. Presque un an après, Marion Maréchal-Le Pen annonce fièrement que son académie politique, « terreau de tous les courants de droite », sera inaugurée fin juin, pour une ouverture en septembre. Ce serait néanmoins une erreur de croire que l’ex-députée a chômé tout ce temps. Car en reprenant sa liberté et en se détachant de son parti, elle initiait une stratégie de conquête ambitieuse.

LE RETOUR DE LA LIGNE IDENTITAIRE

C’est le 28 novembre 2014 que Marion Maréchal-Le Pen apparaît vraiment comme une concurrente sérieuse à sa tante Marine Le Pen. Alors que cette dernière était réélue à la tête du FN avec 100% des suffrages exprimés, c’est un autre résultat qui attirait le regard des commentateurs : l’élection du comité central du parti d’extrême droite. Un duel s’annonçait entre Florian Philippot, représentant d’une ligne souverainiste nationale-républicaine, et la nièce de la présidente, héraut du courant libéral-identitaire. Le match n’a finalement pas eu lieu, puisque Marion Maréchal-Le Pen arrive en tête, alors que l’ancien chouchou de Marine Le Pen n’arrive que quatrième, derrière Louis Aliot et Steeve Briois. Après la Manif pour tous, à laquelle elle a activement participé, la petite-fille Le Pen devient la nouvelle chouchoute de tous ceux qui ne supportent plus la réorientation gaullienne de Philippot et veulent d’un FN à nouveau franchement à l’extrême droite, notamment sur les questions sociétales et identitaires. L’humiliation de Marine Le Pen au second tour aurait dû propulser la jeune femme. Elle opte pourtant pour un retrait. Trente-six ans après la publication de Pour un gramscisme de droite, l’élue du FN mettait – consciemment ou non – en pratique les enseignements de la nouvelle droite : la bataille politique se gagne par les idées, la « métapolitique ». Cette dernière sera son nouveau terrain de jeu.

En septembre 2017, des proches de Marion Maréchal-Le Pen fondent le magazine mensuel L’Incorrect. « Après la défaite en mai dernier des camps filloniste et mariniste, le moment apparaît idéal pour reconstruire sur ces ruines et essayer d’énoncer une nouvelle ligne idéologique, une vraie ligne de pensée et culturelle », explique Jacques de Guillebon, directeur de la rédaction, au site Boulevard Voltaire. Dans l’édito du premier numéro, il n’hésite pas à la citer, sans la mentionner. Si Marion Maréchal-Le Pen n’est pas directement aux manettes, ses proches travaillent à imposer ses idées, dont celle de l’union des droites.  Mais c’est en février de cette année que la nièce de Marine Le Pen réapparaît vraiment. L’ex-députée est alors invitée à prendre la parole à l’occasion de la CPAC (Conservative Political Action Conference), le rassemblement annuel des conservateurs américains de tous poils. Son discours intervient peu après ceux du vice-président américain, Mike Pence, et de Donald Trump. Quelques jours après, elle enfonce le clou avec un entretien à Valeurs Actuelles. « J’ai décidé de m’associer à la création d’une académie de sciences politiques, à côté d’autres activités professionnelles. L’école que j’accompagne est libre et indépendante. Il ne s’agit pas d’un projet partisan », expliquait-elle fièrement. L’objectif est de donner « des armes intellectuelles, culturelles, juridiques, techniques et médiatiques » aux militants. Le projet, auquel elle se greffe, est à l’origine une initiative de Thibaut Monnier, conseiller régional Front national et co-fondateur du mouvement Audace.

VERS L’UNION DES DROITES ?

Leur modèle est l’Institut de formation politique (IFP), qui depuis 2004 offre aux jeunes de toutes les droites, libérale, conservatrice, identitaire et souverainiste, une formation théorique. Pour Pascale Tournier, journaliste à La Vie et auteure de Le vieux monde est de retour (Stock, 2018), cet institut est au cœur de la montée en puissance des « nouveaux conservateurs », dans le champ politique, médiatique et intellectuel. Marion Maréchal-Le Pen y a d’ailleurs suivi une formation en mars 2015. Cependant, quelques différences sont à noter. Alors que l’IFP se situe à Paris, dans le XVIe arrondissement, Marion Maréchal-Le Pen a choisi une ville de province. Son dévolu s’est plus précisément jeté sur Lyon, centre intellectuel de l’extrême droite où se côtoient gudards, militants de l’Action française, identitaires de diverses obédiences, Bruno Gollnisch ou encore Charles Millon. Elle se rapprochera aussi géographiquement de son rival Laurent Wauquiez. Enfin, alors que l’IFP propose à des jeunes de 18 à 30 ans des séminaires en parallèle à leurs études, le soir et surtout le week-end, l’académie de Maréchal-Le Pen ambitionne d’être une formation diplômante.

En tout cas, depuis sa réapparition publique, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen occupe le terrain. Selon L’Express, elle aurait déjeuné le 21 mars dernier avec Patrick Buisson. Ce dernier est séduit par la nièce de Marine Le Pen. Il estime qu’elle « a compris que dans une société liquide comme la nôtre, les partis deviennent des obstacles. » « Elle a marqué les esprits en montrant son détachement à l’égard des mandats électifs, quand d’autres s’accrochent durant des lustres », précise-t-il. L’hypothèse d’une Marion Maréchal-Le Pen en « Macron de droite » en 2022 devient alors de plus en plus probable et inquiète certains, comme Rachida Dati qui s’est exprimée récemment sur le sujet. Car en se libérant de son parti, la jeune femme entend incarner la passerelle entre LR et le FN et se rêve en nouvelle Jeanne d’Arc. La concrétisation prochaine de son académie marquera une étape de plus vers ses ambitions.

Crédits photo : Remi JDN/ Wikimedia Commons

Aude Lancelin : « La déliquescence morale et intellectuelle du journalisme est très préoccupante »

Entretien initialement publié le 6 avril 2018 sur Le Comptoir

Agrégée de philosophie, Aude Lancelin est journaliste spécialisée dans le domaine des idées et de la culture depuis presque vingt ans. Elle a été directrice adjointe de la rédaction de « Marianne », puis de « L’Obs ». En 2016, elle est brutalement licenciée de ce dernier magazine. Une mésaventure qu’elle raconte dans « Le Monde libre » (Les Liens qui libèrent), pamphlet contre la dérive capitaliste d’un média social-démocrate, qui obtient le prix Renaudot de l’essai 2016. Début 2018, elle publie, à nouveau aux Liens qui libèrent,  « La Pensée en otage ». Elle y analyse la crise de la presse en déconstruisant sept grandes idées reçues. Depuis le 15 janvier, elle travaille pour Le Média, web TV indépendante fondée par Sophia Chikirou, Gérard Miller et Henri Poulain, tous trois proches de La France insoumise*. Nous l’avons rencontrée afin de discuter de la presse et du Média, sous le feu de la critique depuis son lancement.

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Marion Messina : « Je ne peux pas écrire une superbe histoire d’amour alors que tout s’effondre »

Entretien initialement publié le 22 février 2018 sur Le Comptoir

« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Cette célèbre citation de Paul Nizan dans « Aden Arabie » pourrait illustrer à la perfection « Faux départ », le premier roman de Marion Messina. Elle y raconte l’histoire d’Aurélie, brillante lycéenne, issue de la classe ouvrière, qui croit en la méritocratie, mais qui va vite déchanter en entrant dans le supérieur. En plus de subir la précarité et le mépris de classe, cette enfant de la banlieue grenobloise, perdue entre « les Jérémie, Yoann, Julie, Audrey, Aurélie, Benjamin, Émilie, Élodie, Thomas, Kévin, Charlotte, Jérémy ou Yohann […] pas détestables, mais nullement intéressants », va aussi devoir affronter la solitude, dans une société qui ignore toute forme d’attachement durable. Si on en sait très peu sur Marion Messina, il semble que cette « banlieusarde sans accent, […] élevée par des ouvriers bibliophiles » et ne croyant plus en la méritocratie, ait beaucoup en commun avec son héroïne. Nous avons rencontré l’Iséroise afin de discuter de son roman, de littérature, mais aussi de précarité, de la France périphérique, de lutte de classes et de l’atomisation de notre société…

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Grand entretien d’Emmanuel Todd

Entretien-fleuve en deux parties publié le 1 et le 3 mars 2017 au Comptoir, avec Adlene Mohammedi

Jeudi 9 février, Emmanuel Todd nous reçoit dans son appartement parisien pour un entretien fleuve sur l’élection de Donald Trump, les États-Unis et la situation politique mondiale, que nous vous proposons en deux parties. Si notre ligne politique peut diverger de celle du chercheur Todd et de sa promotion d’un capitalisme régulé, il demeure pour nous une référence intellectuelle contemporaine majeure. Anthropologue, historien, démographe, sociologue et essayiste, Todd est ingénieur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il est principalement connu pour ses travaux sur les systèmes familiaux et leur rôle politique. En quatre décennies, le chercheur s’est notamment illustré en prophétisant l’effondrement de l’URSS (« La chute finale », 1976) et les printemps arabes (« Le rendez-vous des civilisations », avec Youssef Courbage, 2007). Il a également mis en lumière les faiblesses de la construction européenne et de la mondialisation. 

Philippe Villard-Mondino : « L’écriture donne la possibilité d’expérimenter l’empathie »

Entretien publié sur le site Le Comptoir le 4 janvier 2017

Philippe Villard-Mondino vient de créer sur Lyon avec Mickaël Jimenez-Mathéossion et Ludovic Villard — connu par les amateurs de rap sous le blaze de Lucio Bukowski —, Les gens du blâme, maison d’édition dédiée à la littérature. Il vient en outre d’y publier son premier roman, « Le carnaval des ogres ». Ce dernier narre l’histoire de Soghomon Tehlirian, connu pour avoir assassiné à Berlin Talaat Pacha, leader des Jeunes-Turcs et principal responsable du génocide des Arméniens de 1915. Nous avons décidé de revenir avec Philippe Villard-Mondino sur la création de sa maison d’édition et sur son livre.

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Les meilleurs films 2016 de la rédac’

Article collectif publié le 23 décembre 2016 sur le site Le Comptoir

L’équipe du Comptoir aime la politique, les débats d’idées, la littérature, la musique et… le cinéma ! Amateurs de salles obscures, la rédaction a sélectionné pour vous les films les plus mémorables de cette année 2016 : un polar ténébreux, un western enneigé, une éprouvante réunion de famille, un documentaire engagé, une fresque impériale, un drame social, des filles qui dealent, dansent et combattent, une poésie du quotidien, une éternelle guerre des étoiles… Bon visionnage.

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Philippe Vion-Dury : « Le vrai visage de la Silicon Valley, c’est celui du capitalisme prédateur »

Entretien publié le 28 octobre 2016 sur Le Comptoir

Phillipe Vion-Dury est journaliste, spécialiste des questions de société, des nouveaux modèles économiques et des technologies. Il vient de sortir aux éditions Fyp son premier essai intitulé « La nouvelle servitude volontaire ». Il y analyse la nouvelle société numérique qui est en train d’être érigée par les startups de la Silicon Valley, en Californie.

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