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Médine au Bataclan : Halte à l’hystérie nationale

Article publié le 11 juin 2018

L’annonce de deux concerts du rappeur Médine au Bataclan provoque une vraie hystérie à droite. L’artiste serait accusé de promouvoir le djihadisme. La réalité est pourtant toute autre.
Deux ans après Black M, c’est au tour du rappeur Médine de se retrouver au cœur d’une polémique. A l’époque, la venue de l’artiste aux commémorations de la bataille de Verdun avait été annulée. La raison ? Certains, à droite, à l’extrême droite, mais même à gauche, avaient jugé sa venue inopportune, s’appuyant sur certains textes maladroits. Cette fois, c’est un concert en apparence moins solennelle, puisqu’il s’agit d’un événement privé, qui pose problème. Il faut dire qu’il se déroulera dans un endroit hautement symbolique. Il s’agit du Bataclan, lieu emblématique de l’attentat spectaculaire du 13 novembre 2015, où Médine se produire les 19 et 20 octobre prochains. Pour les détracteurs de l’artiste, il s’agit d’une insulte aux 90 victimes. Car, selon eux, le rappeur havrais serait un islamiste, voire un promoteur du djihad. Encore une belle preuve de l’incompréhension que peuvent susciter le rap et les banlieues, le tout sur fond de panique identitaire. Revenons aux faits

Médine, Bataclan et jihad

En mars dernier, Médine balance le troisième extrait de son sixième album, Storyteller. Un morceau émouvant dédié à une salle de concert mythique, intitulé « Bataclan », accompagné de Youssoupha et du chouchou de la presse, Orelsan. Point de référence aux événements qui ont horrifié l’Hexagone, il n’est que question de musique et de prestation scénique. « Tout ce que je voulais faire, c’était le Bataclan », y explique Médine. Il profite de ce clip pour annoncer un concert dans la tristement célèbre salle de concert. Une annonce qui, si elle a ravi ses fans -la première date est complète-, était passée sous les radars politiques, jusqu’à peu.

Mais l’inévitable s’est produit. Depuis 2012 et Don’t Panik : n’ayez pas peur (DDB), son livre avec Pascal Boniface, Médine est une des bêtes noires de l’extrême droite. Ajoutons que la gauche “républicaine” l’a aussi en ligne de mire depuis la sortie du titre « Don’t Laïk » en 2015, juste avant les attentats de Charlie Hebdo. Ainsi, depuis la fin de la semaine dernière, -vendredi 9 juin-, un visuel circule sur les réseaux sociaux. On y voit le rappeur portant un t-shirt où il est écrit « Jihad » et une épée, à côté de l’affiche de ses concerts, au Bataclan donc et complets à ce jour. Une agitation qui a “obligé” les responsables politiques de droite à monter au créneau. « Au Bataclan, la barbarie islamiste a coûté la vie à 90 de nos compatriotes. Moins de trois ans plus tard, s’y produira un individu ayant chanté “crucifions les laïcards” et se présentant comme une “islamo-caillera”. Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France », a tweeté le président de LR Laurent Wauquiez. De son côté, la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen a déclaré : « Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan. La complaisance ou pire, l’incitation au fondamentalisme islamiste, ça suffit ! »

Ce ne sont que quelques exemples emblématiques, alors que les demandes d’interdictions pleuvent, avec le hashtag #PasDeMédineAuBataclan. La gauche n’est pas forcément en reste non plus. Habitué aux polémiques sur l’islam et la laïcité, le Printemps républicain a, quant à lui, tenté de tenir une ligne de crête difficile, entre dénonciation du MC et défense de sa liberté artistique. Le collectif de Laurent Bouvet et Amine El-Khatmi semble avoir à cœur de se distinguer, au moins cette fois, de la droite et de l’extrême droite. Mais derrière ces réactions un fil rouge : Médine serait dangereux. Ces indignations seraient tout à faire légitime si le rappeur était effectivement un islamiste rigoriste, ou pire un soutien du terrorisme. Mais il n’en est rien.

Rap et islam : la grande incompréhension

Rappelons d’abord ce qu’est le “jihad”. Ce mot, aussi utilisé par les Arabes de confession chrétienne, ne signifie pas “guerre sainte”, comme il est trop souvent expliqué, mais plutôt “effort“ ou “lutte”. De plus, il ne recouvre pas nécessairement une réalité violente. Le jihad est d’abord une notion spirituelle, qui invite le croyant à avancer vers Allah. La notion ne fait néanmoins l’objet d’aucun consensus, comme beaucoup d’autres dans l’islam. Ainsi, Averroès, célèbre philosophe aristotélicien du XIIe siècle répertoriait quatre jihad : par le cœur, par la langue, par la main et par l’épée. Il est normal que le “jihad” puisse effrayer dans un pays qui a découvert avec horreur le terrorisme islamiste, soit le jihad par l’épée, il y a peu. Pourtant, il faut bien comprendre ce qu’il recouvre lorsqu’il est employé. Médine ne déroge évidemment pas à la règle. Dans « Arabospiritual », morceau d’Arabian Panther, son troisième album sorti en 2008, le rappeur havrais scandait :

« Ma culture devient de la confiture de barbituriques
En 2005 deuxième album en demi-teinte j’emprunte
Les voix de la provocation pour tous les convaincre
Et non les combattre avec un disque en forme de sabre
Mais lutter contre soi reste le plus grand Jihad !
J’amène un message de paix derrière une épée »

L’artiste faisait alors référence à son précédent disque, Jihad, sous-titré « le plus grand combat est contre soi-même ». C’est de cet album qu’est tiré le visuel polémique. Il y décrit l’islam comme « une religion de paix ». Grande fresque sur la guerre dans l’Histoire de l’humanité, le morceau éponyme est en fait un plaidoyer pour la paix. Il invite également à l’introspection pour être un homme meilleur. « Ma richesse est culturelle, mon combat est éternel/ C’est celui de l’intérieur contre mon mauvais moi-même », concluait la chanson. Un an auparavant, dans son premier album, 11 septembre, récit du 11e jour, Médine dénonçait avec vigueur les amalgames entre islam et djihadisme, dans « Ni violeur ni terroriste ». Aboubakar, invité sur le morceau rappait ainsi : « Si nos âmes s’arment c’est pour le combat après la mort ». La spiritualité prime alors. Mais c’est « Hotmail » qui finit par dissiper les doutes qui pourraient encore subsister.

Présent sur Table d’écoute, EP de neuf titres, ce morceau entend clarifier le propos du rappeur. Dedans, il réagit à trois messages laissés sur son répondeur. Dans le deuxième couplet, un auditeur lui dit : « Wallah Medine bsahtek ouah j’ai écouté wallah t’as raison. Faut couper toutes les têtes jihad mon frère. Wallah Faut qu’ils payent wallah. » Le rappeur lui répond alors : « Voici l’idée que tu te fais de mes couplets/ Qu’avec un disque de rap des têtes je vais couper/ Découper les cous des gens hors du coup ». Le Havrais invite alors son auditeur à la réflexion : « Le conseil ne dit pas de tendre l’autre joue/ Mais de réfléchir avant d’agir tous les autres jours/ Si tout est critiquable commence par l’auto-critique/ L’Occident n’est pas responsable de ton slip ». Nous sommes alors loin du prêcheur de haine à l’égard de l’Occident. Dans le dernier couplet, Médine se paye même le luxe de répondre aux salafistes qui lui reprochent de faire de la musique. Après leur avoir rappelé que les hommes ne lisaient pas les cœurs, il conclut ironiquement : « Eux-mêmes philosophes dans tous domaines/ De Mohammed n’ont que le prénom de domaine/ […] Délaisse la paille dans l’œil de ton voisin/ Enseignement chrétien pour attitude de crétin ». Pour finir, soulignons que Médine est un admirateur du commandant Ahmed Chah Massoud, le “Che Guevara afghan”, ennemi des Talibans, qui l’ont fait assassiner le 9 septembre 2001. Le rappeur, qui a rendu plus d’une fois hommage au révolutionnaire, comme dans « Du Panjshir à Harlem » (Jihad), a même appelé son fils Massoud.

Mais il n’y a pas que le rapport au jihad qui gêne chez Médine. Il y a aussi la laïcité. Début 2015, alors que la France n’a pas encore digéré le drame de Charlie Hebdo, le rappeur sort un morceau polémique : « Don’t Laïk », détournement de son fameux slogan « I’m muslim, don’t panik ». Il n’y attaque pas la laïcité, selon des dires, mais les “laïcards” – notion, il est vrai, plus polémique que précise. Il y rappe : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha ». Ce sont ces quelques mots qui ont provoqué la colère de la gauche républicaine, y percevant une menace physique. C’est pourtant bien mal connaître le rap, qui aime multiplier les images, et pour qui la violence est souvent plus esthétique que réelle. Pour le dire plus simplement, aucun auditeur de Médine n’irait s’en prendre physiquement à un “laïcard”.

Médine est bien évidemment critiquable, sur le plan artistique comme sur le plan politique, où il se place volontairement. Encore faut-il que la critique soit pertinente. Le rappeur est plus un musulman pieux et politisé qu’un rigoriste ou un islamiste. Cette doctrine a montré ces dernières années qu’elle était un danger réel en France. Mais fantasmer des djihadistes à tous les coins de rue est contre-productif à tous les niveaux. Enfin, et ce n’est pas le point le moins important, une démocratie bien portante est une démocratie qui laisse s’exprimer librement ses artistes.

https://twitter.com/Medinrecords/status/1006215653714427905

Photo de une : visuel qui fait polémique sur les réseaux sociaux

Crédits : Capture d’écran sur Twitter

Kendrick Lamar : Un Pulitzer pour le dernier Black Panther

Article publié initialement le 17 avril 2018 sur le site Le Média presse

Kendrick Lamar est devenu ce lundi 16 avril le premier rappeur à obtenir un prix Pulitzer. Les ghettos américains ont-ils trouvé un nouveau porte-parole ?

Le MC de Compton n’en finit plus de glaner les récompenses. Après ses douze Grammy Awards, dont quatre l’an dernier, il devient le premier rappeur à obtenir le Pulitzer, pour son quatrième album DAMN. Il n’est que le onzième musicien à obtenir cette distinction créée en 1917 par le célèbre éditeur américain Joseph Pulitzer. En plus d’être devenu une superstar du rap, l’interprète de « Alright », hymne non-officiel du mouvement Black Lives Matter, et de Black Panther : The Album, peut-il devenir le porte-parole des ghettos, comme l’a été son idole 2Pac ?

KENDRICK LAMAR, 2PAC ET LE BLACK PANTHER PARTY

Né à Compton, comme les rappeurs Dr. Dre ou Ice Cube, en 1987, sa vie bascule en 1995. L’enfant de huit ans participe au clip de California Love de 2Pac et Dr. Dre. A ce moment, la West Coast a le vent en poupe et 2Pac est au sommet de sa gloire. Il est alors plus qu’un rappeur, c’est une icône populaire. Rappeur et chanteur, il est aussi pour beaucoup, le « dernier des Black Panthers ». Pour rappel, sa mère Afeni Shakur a milité dans le célèbre parti antiraciste et socialiste, au point d’être emprisonnée à New York, peu de temps avant la naissance du MC. Sa tante est Assata Shakur, leader de la Black Liberation Army (BLA), frange la plus radicale du Black Panther Party. Condamnée à perpétuité pour le meurtre d’un policier lors d’une fusillade, elle s’évade en 1979 et obtient l’asile politique à Cuba. 2Pac porte malgré lui cet héritage. Ses textes, surtout dans ses premiers albums, sont engagés, dénoncent la violence de la société américaine, le racisme et les inégalités économiques. Un personnage qui fascine dans les ghettos noirs américains et Kendrick est l’un des gosses qui rêve de devenir comme l’artiste d’Oakland.

« K-Dot », comme on le surnomme, grandit dans une ville pauvre, ravagée par la violence. La foi l’éloigne néanmoins des gangs, comme il l’expliquera plus tard. La musique lui donne une raison de vivre. Mais il a une vision bien précise de ce à quoi ressemblera son art. « Les gens que tu as touchés ont vu leur vie changer pour toujours. Je me suis dit que je voulais être aussi un guide pour les hommes, un jour. N’importe qui savait que je parlais tout haut pour que tu m’entendes », écrit-il le 16 septembre 2015, pour les 19 ans de la mort du rappeur. Kendrick prétend aussi avoir vu 2Pac en rêve quand il avait 21 ans. Il lui aurait conseillé de s’accrocher à la musique. Il pousse le mimétisme jusqu’à être capable de citer de tête du William Shakespeare, comme le rappeur décédé. Son premier album, Section.80, sorti en 2010, est, notamment au niveau des textes, comparable à 2Pacalypse Now. Il raconte sans langue de bois ce qu’est être un jeune issu des ghettos noirs, le racisme, la brutalité policière ou le système éducatif malade. Des paroles crues et engagées qui côtoient des textes plus légers sur la fumette ou les filles.

UN ARTISTE TRAVERSÉ PAR DES DES CONTRADICTIONS

Il signe alors avec Dre, comme 2Pac. L’artiste devient alors la mauvaise conscience de Barack Obama. Au fil de Good Kid, MA.A.D City et To Pimp a Butterfly, sortis en 2012 et 2015, se dessinent le portrait d’une Amérique peu flatteuse. Loin d’être apaisée par l’élection du premier président noir, on comprend que la situation continue de se dégrader pour les millions d’habitants des ghettos. Le fantôme de Nelson Mandela, décédé deux ans auparavant, en 2013, apparaît aussi dans Mortal ManK-Dot montre par-là que son combat est comparable à celui du Sud-africain, les Etats-Unis étant encore pris dans une forme d’apartheid.

Le rappeur ne semble pourtant pas assumer ce rôle de leader. Comme 2Pac, il est traversé par des contradictions. A côté du Kendrick engagé cohabite un Lamar egotrip et individualiste. Car K-Dot reste avant tout un MC, qui joue le jeu du système capitaliste, et ne sera probablement jamais un activiste politique. Difficile dans ces conditions d’être réellement le porte-parole de quoique que ce soit, et surtout des ghettos en quête d’un leader.

Orelsan, reflet d’une génération qui n’arrive pas à vieillir

Article initialement publié le 21 janvier 2018 sur Le Comptoir

« La fête est finie », troisième album solo d’Orelsan a été certifié triple disque de platine (300 000 ventes) en deux mois. Le rappeur caennais se paye même le luxe d’être le grand  favori des Victoires de la musique 2018, avec trois nominationsUn succès commercial logique pour celui qui se fait l’écho du malaise de la génération Y.

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Ce que la musique de Kendrick Lamar nous dit de la foi

ANSPressSocietyNews CC BY-ND 2.0

Article publié initialement le 19 novembre 2017 sur Aleteia

L’une des cérémonies musicales les plus importantes outre-Atlantique, les American Music Awards, se déroule ce dimanche 19 novembre. Avec trois nominations (artiste de l’année, meilleur album rap/hip hop et meilleur artiste hip hop), Kendrick Lamar a de grandes chances de briller. L’occasion d’analyser les textes de ce rappeur qui a la foi.

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Ludovic Villard : « J’aime la brièveté en poésie »

Article publié initialement le 20 septembre 2017 sur Le Comptoir

Connu par les amateurs de (bon) rap sous le blaze de Lucio Bukowski, Ludovic Villard a créé il y a quelques mois avec son frangin Philippe Villard-Mondino et Mickaël Jimenez-Mathéossion Les Gens du Blâme, maison d’édition lyonnaise dédiée à la littérature. Reconnu pour sa plume, Ludovic en a profité pour sortir un recueil de poèmes intitulé « Je demeure paisible au travers de leurs gorges », en rupture de stock peu de temps après sa sortie . « L’ouvrage se compose de quatre parties rassemblant des poèmes de formes différentes, du quatrain au haïku, en passant par l’aphorisme et le vers libre. Le temps, la beauté, l’ivresse, le refus et la mort sont les thèmes, chers à l’auteur, que vous retrouverez tout au long de cette publication », explique l’éditeur sur son site. Une nouvelle occasion pour Le Comptoir de le rencontrer.

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Bilan rap 2016

Dossier collectif publié sur le site ReapHit le 30 décembre 2016

Alors que les puristes prophétisent la mort du rap depuis le début des années 2000, force est de constater qu’il ne se porte pas si mal que ça. Car 2016 est une année aussi riche musicalement que les précédentes.

Comme en 2015, l’événement rap français de l’année est assurément PNL. Après avoir conquis l’Hexagone avec Le Monde chico, les frères Andrieu ont choisi d’entrer définitivement Dans la légende. Pour ce nouvel opus, Ademo et N.O.S. ont repris la même formule. Il est toujours autant question d’argent, de trafic, de leur famille ou de dessins-animés. La musique est toujours aussi hypnotique, quoique ce nouveau disque se révèle plus posé que le précédent. La recette fait mouche, puisque les frères ont vendu 51 957 albums en une semaine. Trois mois plus tard, PNL est triple disque de platine avec plus de 300 000 disques écoulés. Les clips de « Naha » et « Onizuka » sont également de francs succès sur YouTube. Ademo et N.O.S. se sont cependant peut-être trouvé un concurrent de poids en la personne de Nekfeu. Après une année 2015 marquée par la sortie de son premier album solo, Feu – qui a connu un vrai succès commercial, à défaut d’être une grande réussite artistique – le « petit grec » revient en forme. C’est d’abord avec ses potes du S-Crew (Nekfeu, Mekra, Framal, 2zer Washington), que le MC du XVe se présente, avec le générique français du film Creed : l’héritage de Rocky Balboa, puis avec leur deuxième album intitulé Destins liés. Ce dernier est certifié d’un disque d’or (50 000 ventes). Mais c’est avec son album surprise, Cyborg, annoncé le 2 décembre, que le rappeur actif mouvement social Nuit debout, fait vraiment sensation. Mieux écrit et plus engagé – sans tomber dans le « rap conscient » pour autant – que Feu, le disque est certifié disque de platine en deux semaines avec 106 000 exemplaires vendus (physique, digital et streaming).

2016, c’est aussi le retour de Seth Gueko, qui nous livre avec Barlou son meilleur album depuis longtemps. Souvent trop irrégulier, le rappeur exilé en Thaïlande – qui y connaît « des problèmes d’immigration » –, plus anarchiste que jamais, ne nous déçoit pas cette fois. Autre retour, encore plus attendu, celui de Despo Rutti. Revenu de HP et converti au judaïsme, le MC nous lâche Majster – où apparaissent notamment Seth Gueko, Lino et Kaaris –, un double album stratosphérique. Torturé, sombre et délirant, avec son intro de 17 minutes, ce disque, qualifié par nos confrères de Captcha de « plus grand album de l’année 2016 » mérite plus qu’une oreille attentive. Avec ce nouvel opus, Despo nous prouve qu’il est un génie encore trop incompris. Mais 2016 en France, c’est également les deux très bons albums de l’hyperactif Lucio Bukowski (ODERUNT POETAS avec Oster Lapwas et HOURVARI avec Milka), le premier disque de Damso, nouvelle perle belge du 92i qui confirme tout le bien que l’on pensait de lui, et le retour gagnant de Georgio, qui s’affirme comme l’un des espoirs du hip hop hexagonal.

Outre-Atlantique, après Kendrick Lamar, c’est à son compère Schoolboy Q d’écraser la concurrence. Avec Blank Face LP aux sonorités gangsta, le MC originaire de Los Angeles nous rend une copie plus propre que son bon mais irrégulier Oxymoron sorti deux ans auparavant. Des producteurs aux invités, rien n’est laissé au hasard par Schoolboy Q. On retiendra « THat Part », morceau phare de l’album, où collabore l’autre rappeur américain de l’année 2016 : Kanye West. Les grands médias se focalisent sur les déboires et extravagances de sa femme Kim Kardashian, qu’on en oublierait que Kanye est avant tout un grand artiste. The life of Pablo, où on retrouve notamment Kendrick Lamar, Chance The Rapper, Frank Ocean ou Kid Cudi, nous le rappelle. Parfaitement produit, cet album a en plus bénéficié d’une promo de qualité, avec le retour des G.O.O.D. Fridays : comme en 2010 avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy, chaque vendredi un morceau inédit, faisant parti ou pas du disque est dévoilé. Une formule qui réussit toujours. En conclusion, si 2015 aura été l’année des révélations, 2016 a été celle des confirmations. Et on ne s’en plaindra pas.

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Quelques disques de 2016 à (se faire) offrir pour Noël

Article collectif publié le 21 décembre 2016 sur le site Le Comptoir

L’heure des bilans arrive, et 2016 a été une année riche en bons albums : rock, hip-hop, heavy metal, chanson, rap, jazz. Nous vous avons concocté une sélection de nos coups de cœur musicaux de l’année. À écouter sans modération sur les internets ou sur votre chaîne hi-fi, si vous assumez votre côté anti-moderne et faites partie des personnes qui achètent encore leurs disques, espèce en voie de disparition s’il en est.

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Chroniques d’album sur IHH

 

Chroniques d’album publiées dans le numéro du magazine IHH – International Hip Hop de mars 2016

Booba – Nero Nemesis

Quoique l’on pense de Booba, il faut reconnaître qu’il est toujours capable de nous surprendre, chose qui n’est pas si évidente pour un rappeur français après vingt ans de carrière. Quelques mois après l’inégal D.U.C., l’ourson revient avec un album surprise. Sorti le 4 décembre 2015, comme la réédition de Feu de Nekfeu, ainsi que les nouveaux opus de Rohff, Jul, et JoeyStarr, Nero Nemesis est probablement le meilleur projet du duc de Boulogne depuis très longtemps. La recette est simple : de l’Auto-Tune moins présent et mieux maitrisé, des flows bien travaillés et des instrus de qualité. Ceux qui cherchent du fond devront cependant repasser une autre fois. Car Booba fait du Booba : egotrip, punchlines sur punchlines et éloge de l’argent et du luxe. Pourtant ses phases font souvent mouche, comme dans 4G (« Touche ta SACEM y a pas 30 balles/ Personne te regarde comme le handball/ J’te traite comme négro dans plantation/ 400 ans d’fouet t’as pas retenu la leçon ») ou 92I Veyron (« Ne fais pas trop de bien ou tu seras cloué sur une croix/ La rafale dans ta grand-mère arrivera plus tôt que n’crois/ La race humaine me dégoûte, j’allume gros pilon au chalumeau/ Nique ta fondation de merde, j’préfère sauver les animaux »). Le MC semble parfois nostalgique du bon vieux rap et de l’âge d’or des années 1990. Un sentiment palpable dans Génération Assassin (« Génération Assassin, Ideal J, Mama Lova »). Evidemment, la perfection n’existe plus avec Booba depuis Temps mort. On déplorera notamment la présence du très mauvais Validée, reprise avec Benash de Ignanafi debeda de l’artiste malien Sidiki Diabate. Mais qu’importe, cette fois-ci l’aspect artistique ne semble pas être passé au second plan après l’aspect commercial.

Kevin Victoire

 

Lucio Bukowski & Kyo Itachi – Kiai sous la pluie noire

Au fil du temps, Lucio Bukowski nous prouve qu’il n’est pas seulement une des meilleures plumes du rap français, mais qu’il est également un artiste accompli. Alors que certains avec sa surproductivité – 2 albums et un EP en 2015, sans compter ses deux EP d’instrus –, se seraient déjà essoufflés, lui arrive à se renouveler musicalement sans cesse. Le secret ? Un beatmaker attitré à chaque projet. Pour Kiai sous la pluie noire sorti le 13 novembre dernier, le MC de L’Animalerie a jeté son dévolu sur un des producteurs du moment : Kyot Itachi. Bonne pioche, tant la musique du samouraï semble en adéquation avec la poésie du Lyonnais. Si cette forme permet de donner un peu de fraicheur au rap de Lucio Bukowski, niveau textes pas grand-chose de nouveau. Le rappeur nous livre son habituel mélange d’egotrip (« Et je n’insiste pas, mon art : donner du mien, gratter des chansons qui, peut-être, te feront du bien » ; Notes d’un souterrain) et de critique acerbe de notre société (« Tu bouffes du riz vu qu’t’as passé ton SMIC dans un iPhone/ T’aimes Cyril Hanouna, les clubs et les sales connes » ; Transmigration des ânes). Une routine qui aurait pu devenir lassante si Lucio n’était capable de multiplier les références à la peinture (Caravage dans Notes d’un souterrain ou Orozco dans Grand Roque), à la littérature (Notes d’un souterrain est le titre d’un roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski), à la religion (Jean 2, 13-21),  à la philosophie, à l’histoire (Marco Polo dans Grand Roque), à la chanson (Gil Schott-Heron ou Alain Bashung dans Pâtes au beurre) ou à la culture de masse. Mais vu son talent pour la rime et l’étendue de sa culture générale, on souhaiterait toujours plus du Lyonnais. Mais qu’importe, sa riche discographie reste sans déchet. On attend déjà avec impatience son prochain projet.
Kevin Victoire

 

 

Al : « Avant, même les rappeurs en tête d’affiche avaient un discours social »

 

Entretien publié sur Le Comptoir, le 6 janvier 2016

« Talant, 26 juin 1998, salut Befa, quoi d’neuf depuis la dernière fois ?/ Pour moi, toujours la même. En c’moment, j’taffe, un vrai calvaire/ J’m’emploie à gagner un salaire de misère/ Dans une atmosphère qui pue comme l’enfer. » C’est par ces mots que le rap français découvre Al sur “Correspondance”, issu de l’album “Détournement de son” de Fabe. Dix ans plus tard, en 2008, le rappeur dijonnais, proche de La Rumeur et Anfalsh (Casey, Prodige, B. James, Hery, Laloo et Tcho), débarque avec son premier album “High-tech et primitif”. Après ce premier essai transformé, le MC sort en 2012 “Terminal 3”, puis “Toute entrée est définitive” avec Asocial Club (qui regroupe Casey, Prodige, Vîrus, Dj Kozi et Al) en 2014. Nous avons souhaité nous entretenir avec lui à l’occasion de son nouveau solo, “Le pays des Lumières”.

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