Article initialement publié le 3 juillet 2018 sur La Vie
De l’institut de Marion Maréchal à celui de LREM, plusieurs écoles sont créées. Les partis prennent-ils à nouveau au sérieux la formation intellectuelle ?
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Article initialement publié le 3 juillet 2018 sur La Vie
De l’institut de Marion Maréchal à celui de LREM, plusieurs écoles sont créées. Les partis prennent-ils à nouveau au sérieux la formation intellectuelle ?
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Entretien initialement publié le 26 avril 2018 sur le site Le Média presse
Éric Dupin est journaliste indépendant et collabore régulièrement à Slate.fr et parfois au Monde diplomatique. Auteur d’une dizaine de livres, il a publié en 2017 La France identitaire : Enquête sur la réaction qui vient (La Découverte). Il revient avec nous sur Génération identitaire.
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Article initialement publié le 24 avril 2018 sur Le Média presse
Moins d’un an après son retrait de la vie politique, Marion Maréchal-Le Pen annonce l’ouverture prochaine de son académie de sciences politiques. Une initiative qui s’inscrit dans une stratégie plus large d’hégémonie culturelle.
C’était en mai 2017. La plus jeune députée de la Ve République décidait de ne pas se représenter pour un deuxième mandat à l’Assemblée nationale. Elle accordait alors un entretien-fleuve à Valeurs Actuelles, en forme de testament politique. « La droite traditionnelle et les classes populaires ont un souci commun, c’est celui de leur identité », pouvions-nous lire. L’ex-députée du Vaucluse précisait : « le souci commun de l’électorat de la droite conservatrice et de la France périphérique, qui n’ont pas le même rapport à la mondialisation, c’est le souci de la transmission de leurs patrimoines matériel et immatériel. » Se déclarant appartenir à « la droite Buisson » – en référence à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, théoricien d’un populisme identitaire chrétien –, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen affirmait aussi pouvoir travailler avec Laurent Wauquiez, devenu depuis le patron de LR. Elle décidait néanmoins de se retirer, au moins temporairement, de la vie politique. Quelques semaines après, elle récidivait dans Eléments, magazine de la « nouvelle droite » néo-païenne. Presque un an après, Marion Maréchal-Le Pen annonce fièrement que son académie politique, « terreau de tous les courants de droite », sera inaugurée fin juin, pour une ouverture en septembre. Ce serait néanmoins une erreur de croire que l’ex-députée a chômé tout ce temps. Car en reprenant sa liberté et en se détachant de son parti, elle initiait une stratégie de conquête ambitieuse.
C’est le 28 novembre 2014 que Marion Maréchal-Le Pen apparaît vraiment comme une concurrente sérieuse à sa tante Marine Le Pen. Alors que cette dernière était réélue à la tête du FN avec 100% des suffrages exprimés, c’est un autre résultat qui attirait le regard des commentateurs : l’élection du comité central du parti d’extrême droite. Un duel s’annonçait entre Florian Philippot, représentant d’une ligne souverainiste nationale-républicaine, et la nièce de la présidente, héraut du courant libéral-identitaire. Le match n’a finalement pas eu lieu, puisque Marion Maréchal-Le Pen arrive en tête, alors que l’ancien chouchou de Marine Le Pen n’arrive que quatrième, derrière Louis Aliot et Steeve Briois. Après la Manif pour tous, à laquelle elle a activement participé, la petite-fille Le Pen devient la nouvelle chouchoute de tous ceux qui ne supportent plus la réorientation gaullienne de Philippot et veulent d’un FN à nouveau franchement à l’extrême droite, notamment sur les questions sociétales et identitaires. L’humiliation de Marine Le Pen au second tour aurait dû propulser la jeune femme. Elle opte pourtant pour un retrait. Trente-six ans après la publication de Pour un gramscisme de droite, l’élue du FN mettait – consciemment ou non – en pratique les enseignements de la nouvelle droite : la bataille politique se gagne par les idées, la « métapolitique ». Cette dernière sera son nouveau terrain de jeu.
En septembre 2017, des proches de Marion Maréchal-Le Pen fondent le magazine mensuel L’Incorrect. « Après la défaite en mai dernier des camps filloniste et mariniste, le moment apparaît idéal pour reconstruire sur ces ruines et essayer d’énoncer une nouvelle ligne idéologique, une vraie ligne de pensée et culturelle », explique Jacques de Guillebon, directeur de la rédaction, au site Boulevard Voltaire. Dans l’édito du premier numéro, il n’hésite pas à la citer, sans la mentionner. Si Marion Maréchal-Le Pen n’est pas directement aux manettes, ses proches travaillent à imposer ses idées, dont celle de l’union des droites. Mais c’est en février de cette année que la nièce de Marine Le Pen réapparaît vraiment. L’ex-députée est alors invitée à prendre la parole à l’occasion de la CPAC (Conservative Political Action Conference), le rassemblement annuel des conservateurs américains de tous poils. Son discours intervient peu après ceux du vice-président américain, Mike Pence, et de Donald Trump. Quelques jours après, elle enfonce le clou avec un entretien à Valeurs Actuelles. « J’ai décidé de m’associer à la création d’une académie de sciences politiques, à côté d’autres activités professionnelles. L’école que j’accompagne est libre et indépendante. Il ne s’agit pas d’un projet partisan », expliquait-elle fièrement. L’objectif est de donner « des armes intellectuelles, culturelles, juridiques, techniques et médiatiques » aux militants. Le projet, auquel elle se greffe, est à l’origine une initiative de Thibaut Monnier, conseiller régional Front national et co-fondateur du mouvement Audace.
Leur modèle est l’Institut de formation politique (IFP), qui depuis 2004 offre aux jeunes de toutes les droites, libérale, conservatrice, identitaire et souverainiste, une formation théorique. Pour Pascale Tournier, journaliste à La Vie et auteure de Le vieux monde est de retour (Stock, 2018), cet institut est au cœur de la montée en puissance des « nouveaux conservateurs », dans le champ politique, médiatique et intellectuel. Marion Maréchal-Le Pen y a d’ailleurs suivi une formation en mars 2015. Cependant, quelques différences sont à noter. Alors que l’IFP se situe à Paris, dans le XVIe arrondissement, Marion Maréchal-Le Pen a choisi une ville de province. Son dévolu s’est plus précisément jeté sur Lyon, centre intellectuel de l’extrême droite où se côtoient gudards, militants de l’Action française, identitaires de diverses obédiences, Bruno Gollnisch ou encore Charles Millon. Elle se rapprochera aussi géographiquement de son rival Laurent Wauquiez. Enfin, alors que l’IFP propose à des jeunes de 18 à 30 ans des séminaires en parallèle à leurs études, le soir et surtout le week-end, l’académie de Maréchal-Le Pen ambitionne d’être une formation diplômante.
En tout cas, depuis sa réapparition publique, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen occupe le terrain. Selon L’Express, elle aurait déjeuné le 21 mars dernier avec Patrick Buisson. Ce dernier est séduit par la nièce de Marine Le Pen. Il estime qu’elle « a compris que dans une société liquide comme la nôtre, les partis deviennent des obstacles. » « Elle a marqué les esprits en montrant son détachement à l’égard des mandats électifs, quand d’autres s’accrochent durant des lustres », précise-t-il. L’hypothèse d’une Marion Maréchal-Le Pen en « Macron de droite » en 2022 devient alors de plus en plus probable et inquiète certains, comme Rachida Dati qui s’est exprimée récemment sur le sujet. Car en se libérant de son parti, la jeune femme entend incarner la passerelle entre LR et le FN et se rêve en nouvelle Jeanne d’Arc. La concrétisation prochaine de son académie marquera une étape de plus vers ses ambitions.
Crédits photo : Remi JDN/ Wikimedia Commons
Entretien publié initialement le 28 janvier 2018 sur Polony TV
Eric Dupin est journaliste et blogueur. Il a publié « La France identitaire. Enquête sur la réaction qui vient » aux éditions La Découverte. Il décrit ici l’impact de l’immigration sur les dimensions culturelles et identitaires de nos sociétés.
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Article initialement publié le 26 mars 2015 sur Le Comptoir
Comme prévu, le Front national a confirmé, au premier tour des élections départementales qui se sont déroulées le week end dernier, sa percée électorale, en obtenant plus de 24 % des suffrages exprimés. Comme nous pouvions également le prévoir, consternation, indignation et refus de la réalité se sont succédé, et le Premier ministre Manuel Valls s’est empressé d’appeler au « vote républicain » pour le second tour afin de masquer la déroute électorale de son parti, qu’il refuse d’admettre. C’est l’occasion de revenir sur la question du Front national qui, loin d’être une menace pour le système politique, est d’abord un épouvantail bien commode et ainsi l’idiot utile de ce système. Lire la suite ici
Article publié le 18 avril 2013
Le Front National est toujours sujet à débats. Fasciste pour certains, résistant pour d’autres, il est souvent difficile de démêler le vrai du faux. Alors qu’on dit le parti dédiabolisé et fréquentable, il soulève toujours autant de haine et de passion. Le parti d’extrême-droite a subi en 40 ans énormément de changements : modifications légères de nom et de logo, renouvellement à la tête de la structure, nettoyage de l’intérieur et, pour finir, passage d’un discours ultra-libéral à un message dénonçant ce dernier. Pourtant, le Front National nous a prouvé récemment qu’entre Défendre les Français, en 1973, et maintenant, peu de choses ont réellement changé : en terme de vertu politique, il ne vaut toujours pas mieux que ceux qu’il traite de « pourris » et l’idéologie qu’il prône n’a pas bougé.
Alors qu’il se présente traditionnellement comme le parti de la dissidence, marginalisé par le système, le FN n’hésite pas à profiter de ce dernier dès qu’il en a la possibilité. N’oublions pas que les frontistes ont participé à plusieurs reprises aux affaires républicaines depuis leur première victoire municipale à Dreux, en 1983. Et, on ne peut pas dire qu’ils se soient mieux débrouillés que la « bandes des quatre » (RPR, UDF, PS et PCF) qu’ils avaient coutume de dénoncer à une certaine époque. On peut même affirmer que la mauvaise gestion est une des marques de fabrique du FN. Les cas les plus retentissants sont ceux de Daniel Simonpieri qui a fait exploser les impôts à Marignane sans aucun résultat positif pour la ville et de Catherine Mégret qui a détruit l’emploi à Vitrolle. Mais pire encore, le clientélisme et les affaires n’ont pas épargné les dirigeants bleu marine, et c’est ce que vient nous rappeler l’Affaire Cahuzac. On peut ainsi citer sommairement : les subventions détournées par
Jean-Marie Le Chevallier (Toulon) pour financer ses vacances et sa campagne législative de 1997, qui sera invalidée pour fraude ; les fermetures arbitraires d’associations pratiquées par Simonpieri et C. Mégret, remplacées par des associations tenues par des proches à eux ; les prises d’intérêts illégales de Jacques Bompard (Orange). Cet affairisme n’est pas le propre des élus mais est aussi inhérent à la direction du parti. Celui-ci serait même la principale cause de l’enrichissement colossale du leader historique du FN, comme l’expliquent Phillipe Cohen et Pierre Péan dans leur ouvrage dédié à l’histoire du Front National. Car c’est bien une fortune colossale que le patriarche des Le Pen, parti de rien, a accumulé dans sa vie en n’hésitant pas à utiliser les caisses de son parti – et à l’endetter – pour améliorer son patrimoine personnel.
L’attitude des leaders du FN vis-à-vis des morts récentes d’Hugo Chávez et de Margaret Thatcher est très révélatrice de sa vraie nature. En apparence, rendre hommage à l’une des plus grandes figures récentes du socialisme puis en faire de même avec l’incarnation humaine du néo-libéralisme est contradictoire. Mais les frontistes n’ont que faire de ces considérations. La raison est simple : si la « révolution libérale » prônée par Le Pen père n’était qu’une grossière imposture, la lutte contre l’ultra-libéralisme de Le Pen fille est un leurre tout aussi ridicule. Il ne faut pas s’y tromper, en glorifiant l’ex-Président vénézuélien, c’est le patriote anti-impérialiste que le FN glorifie et en pleurant l’ancienne « Dame de Fer », le parti d’extrême-droite ne pleure que l’ultra-conservatrice. Le Front n’est au départ que l’union de tous les grands courants d’extrême-droite, une grande famille qui n’a pour seuls points communs que le nationalisme et une vision réactionnaire de la société. Dans cette optique, corporatisme, libéralisme ou antilibéralisme ne sont que des habillages. En pleine explosion libérale où le mythe de la croissance est dans toutes les têtes, Jean-Marie Le Pen, ex-poujadiste, se convertit au reaganisme – poussé par un électorat petit bourgeois – avant de faire lentement marche arrière avec l’évolution de son électorat, les signes de fatigue du système économique et l’avènement de la mondialisation financière.
« La raison est simple : si la « révolution libérale » prônée par Le Pen père n’était qu’une grossière imposture, la lutte contre l’ultra-libéralisme de Le Pen fille est un leurre tout aussi ridicule. »
Mais c’est sa fille qui poussera la logique jusqu’au bout. Si dénoncer l’ultra-libéralisme mondialisé est aujourd’hui commode pour un parti nationaliste – et à plus forte raison quand la base électorale est majoritairement ouvrière – la mue est loin d’être achevée. On en vient ainsi à comprendre la cacophonie concernant la position du FN vis-à-vis de l’âge du départ du système de retraite et les multiples incohérences de son programme économique et social censé défendre les travailleurs (suppression de l’ISF, allègements patronaux, durcissement de la législation à l’égard des chômeurs, destruction des syndicats, absences de chiffres…).
Si la conversion du FN à l’antilibéralisme n’est que poudre aux yeux, il en est de même pour beaucoup d’autres changements. Il s’est par exemple enfin rallié à la laïcité républicaine sans avoir à changer quoi que ce soit dans son idéologie. Le parti nationaliste a très bien compris les manquements républicains actuels et défend une laïcité à géométrie variable. Bénéficiant du recul et de la laïcisation de la pratique chrétienne, le Front se sert de la laïcité pour mieux attaquer les communautés musulmane (principalement) et juive. Et c’est bien dans la stigmatisation communautaire que se place le vrai discours du Front National. Les immigrés sont les vrais boucs émissaires du parti et en particulier les musulmans, qui sont le symbole moderne de l’anti-France menaçant notre Nation. D’ailleurs, la bande à Le Pen n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle dénonce la viande hallal et l’arabisation des banlieues ou quand elle voit en l’Islam un danger pour la République. Ce faux revirement s’est opéré dans tous les partis « acceptables » d’extrême-droite : ce qu’entreprend actuellement Marine Le Pen en France, son ex-camarade parlementaire, Alessandra Mussolini, l’a déjà plus ou moins réussi en Italie. Dans ses conditions, pourquoi s’étonner des fréquentations de Marion Marchéchal-Le Pen ou Julien Rochedy ?
Le FN n’a donc pas changé et c’est tant mieux pour notre système. Car loin d’être une quelconque menace fasciste, le Front n’est ni plus ni moins que l’épouvantail qui permet à notre régime de survivre. Mitterrand avait bien compris le potentiel de Jean-Marie Le Pen en la matière et c’est pour cela qu’il a décidé de l’instrumentaliser. Son discours identitaire permet de diviser les Français selon leurs communautés d’origine. La gauche mitterrandienne a sciemment abandonné le petit peuple, l’a laissé à la merci de l’extrême-droite qui est apparue comme la seule en mesure de s’adresser à la France d’en bas. Tant que l’ouvrier est occupé à voir en l’immigré la source de ses malheurs, il ne s’en prend pas au Patronat et aux élites.
« Tant que l’ouvrier est occupé à voir en l’immigré la source de ses malheurs, il ne s’en prend pas au Patronat et aux élites. »
Parallèlement, la montée du FN a aidé à faire avaler aux Français issus de l’immigration l’illusion d’un pays raciste et hostile à son existence, contribuant à son auto-marginalisation. Diaboliser le parti lepeniste tout en le promouvant c’est aussi un moyen d’étouffer toute vraie contestation et remise en cause de la société. Impossible de critiquer l’euro et la mondialisation néolibérale – qui ont déjà montré leurs limites – sans être taxé de xénophobe. Pointer du doigt les limites de nos institutions, l’alternance sans alternative politique de ces 40 dernières années ou les points de convergence entre l’UMP et le PS renvoie irrémédiablement au populisme frontiste. Et quand tout ceci ne suffit pas, nos dirigeants jouent à l’antifascisme spectacle en faisant mine de combattre la bête immonde qu’ils ont eux-mêmes mise en place ou en agitant le chiffon du vote utile pour mettre fin au danger républicain.
Alors qu’il se nourrit des errements du système, le Front National sert sa cause. Il l’a d’ailleurs bien compris et c’est pour cela qu’il l’utilise pour ses propres intérêts électoraux ou financiers. La mondialisation, l’abandon des classes populaires par la gauche gouvernementale, l’insécurité (culturelle ou au sens strict) sont autant de phénomènes qui ont permis de faire du parti d’extrême-droite l’une des principales forces politiques du paysage politique hexagonal. Mais, à mesure qu’il grossit, une remise en cause du système semble de plus en plus compliquée. Un paradoxe pas si nouveau que ça puisque George Orwell voyait déjà dans la montée du nationalisme une conséquence des manquements de la gauche et dans les fronts antifascistes une posture faussement démocrate de la classe exploitante.
Boite Noire
Texte publié le 18 janvier sur RAGEMAG
Oyez oyez braves gens ! En ce 16 janvier 2013, Marion Maréchal-Le Pen, plus jeune députée de l’Histoire de notre Vème République, nous a proposé une grande proposition de loi. Alors que tout le monde croyait les deux députés du FN –pardon, il faut dire « Rassemblement Bleu Marine » – bien isolés, notre chère Marion a réussi à trouver du soutien auprès de plusieurs députés UMP, dont Lionnel Luca, chef de file de la Droite Populaire. Bref, nous avions de quoi nous attendre au pire… Et bien c’est encore pire que ça.
Nous connaissions la demoiselle étudiante en droit, nous la découvrons apprentie historienne. Car, oui, c’est bien à notre histoire que la jeune Le Pen et ses nouveaux amis de la Droite Populaire ont décidé de s’attaquer. Au premier abord, nous sommes contents de voir le RBM capable de proposer autre chose que des lois fumeuses sur la préférence nationale, qui au passage ont déjà montré leurs limites durant les années 1930. Puis, apparaît le titre : « reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 » et nous ne savons trop quoi faire entre rire ou pleurer. Et pour finir, nous lisons le texte en lui-même et là, nous sommes consternés. Le nouveau cheval de bataille de l’extrême-droite est donc de pourfendre la Révolution française, en surfant sur un très mauvais reportage diffusé l’an dernier sur France 3 ? Nous pourrions tomber dans la facilité et balancer simplement un « laissons l’Histoire aux historiens », mais comme chez Ragemag nous n’avons rien contre les choses compliquées, nous avons décidé d’attaquer le texte de front.
Une loi mémorielle stupide et idéologique
Il est d’abord fâcheux de constater que le FN, qui parle constamment de « sujets importants » pour la France, ne trouve rien de mieux à faire pour cette dernière que d’attaquer son Histoire dans ce qu’elle a de plus belle. Ensuite, il est amusant de remarquer que le FN et l’UMP sont traditionnellement les premiers à s’insurger dès qu’il s’agit de tomber dans le mémoriel, l’excuse ou la repentance. Il suffit d’un petit discours de rien du tout de notre Président, en Algérie, pour que tatie Le Pen nous parle déjà d’abaissement de la France et que la Droite Pop’ monte au créneau. Et là, les voilà qui décident de faire une loi mémorielle. Alors pourquoi le FN, et quelques histrions de l’aile droite de l’UMP, ont décidé de faire ce qu’ils sont en général si enclins à dénoncer ? Tout ceci est simplement idéologique. Depuis toujours, la droite réactionnaire hisse le peuple vendéen en héros qui s’est battu pour la Monarchie et contre la République. Nous ne remettons pas en cause le courage de ces ennemis de la révolution. Il faut reconnaître qu’ils ont eu l’honneur de mourrir pour leur idées, même si elles sont opposées aux nôtres. Mais, est-ce que quelque chose justifierait l’adoption de cette loi ?
Une guerre civile, mais pas un génocide
D’après l’article 211-1 du Code Pénal, un génocide est « défini comme le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout critère arbitraire». Que s’est-il réellement passé en Vendée durant la Révolution française ? Octobre 1791, les Girondins, alors majoritaires à l’Assemblée, décident de déclarer la guerre à la Prusse et à l’Autriche. Si officiellement, il s’agit de défendre la Nation menacée, officieusement, il s’agit de sauver l’Assignat au bord de la faillite. Et c’est pour cela que dès le départ, Robespierre s’oppose à cette guerre… En vain. La Monarchie définitivement abolie, la République naissante est embourbée dans les guerres et décide ce que l’on appelle « la levée des masses. » Des hommes entre 18 et 25 ans sont enrôlés par tirage au sort dans tous les départements afin de repousser l’ennemi hors des frontières. Les Vendéens prennent cette action républicaine pour une ingérence. S’ensuit une guerre civile opposant la République et les « contre-révolutionnaires ». Couplée aux guerres extérieures, elle débouche sur la (re)mise en place du Tribunal révolutionnaire par Danton le 10 mars 1793, qui mène au Gouvernement de la Terreur. Ne soyons pas manichéens : on décompte 200 000 morts – chiffre contesté par ailleurs – du côté insurrectionnel en 3 ans. La répression est terrible. Mais, il s’agît bien d’une guerre civile et non d’un génocide, car il n’y a jamais eu aucun projet d’extermination du peuple de Vendée. D’où vient donc cette affreuse rumeur ? Elle est d’abord le fait de Gracchus Babeuf et de son pamphlet Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier (cité dans le projet de loi de Marion) contre Carrier, leader des massacres vendéens (notamment des noyades de Nantes), et Robespierre. A l’époque, Babeuf est engagé contre l’Incorruptible qu’il voit comme un tyran. Il faut noter que par la suite, le picard changea d’avis, déclarant : « Je confesse aujourd’hui de bonne foi que je m’en veux d’avoir autrefois vu en noir, et le gouvernement révolutionnaire et Robespierre et Saint-Just. Je crois que ces hommes valaient mieux à eux seuls que tous les révolutionnaires ensemble. » Il n’existe sinon aucune autre source pouvant attester d’un quelconque génocide. Le fameux Le génocide franco-français : la Vendée Vengée de Reynald Secher s’appuie principalement sur les écrits de Babeuf et des hypothèses sans fondements. Pour résumer, il y a une guerre civile, mais aucun génocide. Affirmer ceci et vouloir voter cette loi est une attaque contre la Révolution et, donc, la République, mais surtout contre l’Histoire elle-même.
« Je confesse aujourd’hui de bonne foi que je m’en veux d’avoir autrefois vu en noir, et le gouvernement révolutionnaire et Robespierre et Saint-Just. Je crois que ces hommes valaient mieux à eux seuls que tous les révolutionnaires ensembles. » Babeuf
« La Révolution est un bloc », Clémenceau
Lors d’un discours à la Chambre des députés le 29 janvier 1891 Georges Clémenceau défend la Révolution, les révolutionnaires et notamment Robespierre et ses partisans. Victorien Sardou décide de censurer une pièce intitulée Thermidor dans le seul but de défendre Danton et d’attaquer la Convention robespierriste. Dans un discours exceptionnel comme peu d’autres savent les faire, Le Tigre explique que nous ne pouvons pas dissocier les bons des mauvais révolutionnaires : la Révolution est un tout qui a permis l’émergence des valeurs républicaines. La Première Révolution anglaise ne s’est pas non plus déroulée dans la joie et la bonne humeur, mais elle a aussi fait verser des litres de sang et de sanglots. Est-ce que les Anglais en sont encore à discuter des hypothétiques crimes d’Oliver Cromwell ? Donc non, il ne faut rien jeter dans la Révolution, mais tout absorber. Car, cette dernière est le parfait reflet de la France belle et rebelle que nous aimons. Elle fut loin d’atteindre la perfection, mais comme l’a dit Saint-Just : « Les révolutions marchent de faiblesse en audace et de crime en vertu. » Ainsi, elles font partie intégrante de notre histoire, donc nous les assumons.
« Les révolutions marchent de faiblesse en audace et de crime en vertu ». Saint-Just
Par-delà la méprise historique, c’est bien une certaine vision de l’Histoire que l’extrême-droite et la droite réactionnaire ont décidé d’essayer de nous imposer. Malgré les efforts de Marine Le Pen pour se parer d’un vernis républicain, nous comprenons ainsi que le FN est loin de s’être débarrassé de son anti-républicanisme et de ses valeurs contre-révolutionnaires. Mais le plus grave est de voir une partie de la droite dite « républicaine » tomber dans ce genre de dérives réactionnaires. Alors que la France prend l’eau de toute part, que François Hollande se sert du sociétal comme écran de fumée pour cacher son impuissance dans le domaine social, l’extrême-droite se perd en fumeuses conjectures historiques. Pire, le parti se prétendant le défenseur de la Nation s’attaque justement au fondement moderne de cette Nation, à savoir la Révolution Française.
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