Texte publié le 4 octobre 2013 dans Sound Cultur’ALL
L’album le plus marquant de la carrière d’un rappeur est souvent son premier. Pour Mobb Deep, il s’agit de leur deuxième, The Infamous. Mais ce qui rend ce disque si fabuleux, c’est qu’il sonne comme leur premier. Mobb Deep, c’est un duo composé de deux rappeurs,Prodigy et Havoc (également beatmaker) originaires de Queensbridge à New-York. Tout deux se rencontrent à 15 ans sur les bancs d’une prestigieuse école d’art graphique de Manhattan où ils sont élèves. Après un premier échec commercial intitulé Juvenile Hell, en 1993, nos deux lascars s’apprêtent à participer à un changement radical dans le rap game.
Rappelez-vous, depuis la fin des années 1980, l’épicentre du rap s’est déplacé de New York, à Los Angeles. Avec un son plus funky et plus gangsta, la west coast fait désormais la loi dans le game. Mais la tendance commence à se renverser dès 1993, avec le premier album du Wu Tang Clan. Cependant, c’est en 1994 que tout bascule réellement avec les premiers albums de Nas etBiggie, ainsi deuxième opus de Mobb Deep.
« I’m only nineteen but my mind is old and when the things get for real my warm heart turns cold »Shook ones pt.II
The Infamous c’est avant tout une ambiance. Nos deux rappeurs de Queensbridge nous délivrent une musique sombre qui pue le ghetto à des kilomètres, comme on peut l’entendre dans les deux morceaux phares du skeud : Shook ones pt.II et Survival of the fittest. Mais The Infamous ne s’arrête pas à ces deux classiques. C’est un sans faute de 16 titres (18 dans la réédition de 2004). La production est presque exclusivement déléguée à Havoc, exceptés Temperature’s Rising, Drink Away the Pain et Give Up the Goods (Just Step) coproduits par Q-Tip, qui donne magistralement le ton. Prodigy fait des merveilles au mic et s’impose comme l’un des espoirs de The Big Apple. Niveau invités, on peut difficilement faire mieux pour l’époque. Il y tout d’abord Nas -qui vient d’assommer les tiers-quar new-yorkais avec Illmatic– etRaekwon (Wu Tang Clan) sur Eye for a Eye (Your Beef Is Mines). Puis, on a Ghostface Killah (Wu Tang Clan) et toujours Raekwon sur Right Back to You. On peut y ajouer Q-Tip sur Drink Away the Pain (Situations) et enfin, Big Noyd–sorte de troisième membre non officiel du crew- sur Party Over et Give Up the Goods (Just Step).
« New York got a nigga depressed /So I wear a slug-proof underneath my Guess » Survival of the fittest
Violent et cru comme jamais, ce disque restera à jamais un modèle dans le genre. Certes, ils ne sont plus des adolescents et ont abandonné la faux depuis Juvenile Hell. Pourtant, leur rap est toujours aussi sombre. Avec ce skeud parfumé au bitume, les deux MC’s définissent enfin leur style. Certains reprocheront à Prodigy de ne pas avoir connu la rue telle qu’il la relate, lui l’enfant constamment à l’hôpital (à cause de sa drépanocytose) qui a étudié dans une école prestigieuse. Mais qu’importe, le rap est avant tout un art et Pee se révèle à la hauteur. Une œuvre souvent imitée des deux côtés de l’Atlantique mais qui ne sera jamais égalée.
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