Archives du mot-clé radio

Débat sur Nuit debout face à Alexandre Devecchio sur Fréquence protestante

Samedi 23 avril, j’étais l’invité de l’émission L’avenir est à vous animée par Charles Roehrich et Ahmed Al Kherchi sur Fréquence protestante. Je débattais de Nuit debout face à Alexandre Devecchio, journaliste au Figaro Vox.

Le podcast de l’émission est disponible ici.

 

Le Doc : « La banalisation du porno est un vrai problème »

Interview publiée le 5 octobre dans RAGEMAG

Parler sérieusement de sexe dans les médias n’a jamais été chose aisée. Quand il s’agit de s’adresser à des adolescents la tâche s’annonce encore plus compliquée. Basée sur l’émission américaine LovelineLovin’ fun a été un précurseur dans le domaine. De 1992 à 1998, cette émission connaît un franc succès sur Fun Radiomalgré les critiques. Le concept est simple : un pédiatre, Christian Spitz (alias le Doc), et un animateur radio, Difool, répondent aux diverses interrogations que se posent les ados. Une large partie de celles-ci tournent autour du sexe. Quinze années après avoir révolutionné le monde radiophonique, l’émission reprend du service. Si Karima Charni et Karel ont remplacé Difool, le Doc est toujours de la partie et RAGEMAG est allé à sa rencontre.

Vous revenez à l’antenne de Fun Radio pour animer Lovin’ Fun 15 ans après l’arrêt de l’émission. Qu’est-ce qui a changé chez les adolescents entre les années 1990 et aujourd’hui ?

Structurellement, peu de choses ont changé. Les deux différences majeures sont qu’ils sont hyper-connectés aux réseaux sociaux et ont accès très facilement à la pornographie. Mais malgré ces quelques détails, les adolescents sont toujours les mêmes.

Vous ne pensez pas que lors de ces quinze dernières années nous avons assisté à la banalisation de la drogue et d’autres comportements qui étaient encore marginaux chez les adolescents dans les années 1990 ?

Oui, c’est vrai qu’il y a quelques changements quand même. Nous pouvons noter, par exemple, qu’aujourd’hui les filles à 15 ans sont plus fumeuses que les garçons, alors que ceux-ci consomment plus de drogues dures. Cependant, je fais une différence entre utilisation régulière, ponctuelle et occasionnelle. Et les consommations régulières ne sont pas plus fréquentes que durant les années 1990. Il n’y a pas de changement de fond.

L’émission programmée de 1992 à 1998 avait pour slogan « Sexe, Capote et Rock’n’Roll ». A-t-elle participé à une démystification du sexe, une désacralisation de celui-ci et à un découplage entre l’acte sexuel et les sentiments amoureux ?

Non, je ne crois pas du tout. En écoutant les retours d’anciens auditeurs, qui sont parents maintenant, je n’ai pas le sentiment que nous puissions parler de démystification du sexe. Nous étions plus dans une forme d’ « éducation informelle » construite autour d’expériences vécues. Nos conseils leur permettaient de trouver eux-mêmes leurs propres réponses. Le but de l’émission était justement de trouver une unité entre les sentiments et le sexe, et pas l’inverse.

« Le but de l’émission était justement de trouver une unité entre les sentiments et le sexe, et pas l’inverse. »

Dans une société où le culte de la performance et l’immédiateté du plaisir deviennent la norme, les adolescents ont-ils aujourd’hui plus d’anxiété vis-à-vis du sexe que ceux des années 1990 ?

Franchement je dirais qu’ils en ont au contraire moins. Pourquoi ? Parce que durant les années 1990, il y avait le sida qui effrayait. Aujourd’hui cette menace provoque beaucoup moins d’anxiété, notamment grâce aux progrès en matière de prévention et à la trithérapie. Le problème n’est d’ailleurs pas l’anxiété vis-à-vis du sexe mais vis-à-vis de l’autre, au sein de la relation. Les ados se demandent toujours s’ils vont être performants ou à la hauteur. Ils s’interrogent sur la nature de la relation ou sur sa durée. La confiance qu’ils peuvent accorder à l’autre est aussi importante. C’est là que nous constatons une vraie anxiété. Mais elle n’a pas changé depuis les années 1990. Après, tout le monde s’interroge sur ses capacités sexuelles mais c’est avant tout dans le cadre de la relation.

« L’âge du premier rapport sexuel en moyenne n’a pas changé en 20 ans : il se situe à 16 ans. Cette donnée prouve que le porno n’a pas généré une expansion du passage à l’acte. »

À un âge où on se découvre encore, vers qui l’adolescent peut-il se tourner : parents, amis, école ? N’est-il pas assez seul avec ses questions ?

Il est nécessairement seul. Il a ses parents, ses amis et les sites d’information auxquels il a accès. C’est bien maigre finalement. Notre émission leur apporte alors quelque chose, en les nourrissant d’expériences vécues, en plus de l’enseignement « théorique ».

On parle souvent du décalage entre une société sexuellement libérée et de profonds tabous. Quels sont les tabous de cette génération ?

Ils ont des tabous très banals : se découvrir, le nu, être vus. Ils veulent surtout se protéger en fait. Mais je ne sais pas ce qu’est un tabou. Les vrais tabous de notre société sont l’inceste, le viol, la violence… et heureusement ! Hors de cela, il n’existe pas de vrais tabous qui réfrènent la sexualité. Les filles sont d’ailleurs tout autant aguerries et averties que les garçons.

Comment expliquer la beauté du sexe, le plaisir de la découverte aujourd’hui où l’âge moyen du premier film porno est tombé en dessous 13 ans ?

La banalisation du porno est un vrai problème mais heureusement elle n’affecte pas réellement ceux qui ont un bon équilibre affectif. Mais l’âge du premier rapport sexuel en moyenne n’a pas changé en 20 ans : il se situe à 16 ans. Cette donnée prouve que le porno n’a pas généré une expansion du passage à l’acte. Néanmoins, pour les plus fragiles psychologiquement, ce genre de rapport où l’individu est objetisé est un mauvais modèle. Mais la plupart des individus, qui possèdent un vrai équilibre, s’en détournent très rapidement.

Justement, le développement des réseaux sociaux et des sites comme Adopte un mec qui placent l’Homme comme une marchandise jetable et donc périssable, ont-ils modifié les rapports entre ados ?

Je ne crois pas que les rapports entre les ados aient été modifiés. Ils ont pour la plupart grandi avec les réseaux sociaux et savent s’en servir. Oui, il y a des sites pornographiques et l’objetisation de l’individu est un danger. Mais ça ne contamine pas les adolescents qui gardent souvent leur pureté et leur idéalisme.

« Si beaucoup fantasment sur leurs possibilités d’avoir des rapports sexuels dès l’âge du collège, le passage à l’acte ne se fait que très rarement. »

En France, la majorité sexuelle est de 15 ans. Pourtant certains de vos auditeurs sont beaucoup plus jeunes. Cette limite arbitraire est-elle encore pertinente ?

Elle est totalement pertinente, par rapport aux adultes. Deux individus de 14 ans peuvent avoir une relation sexuelle et personne n’a rien à dire dessus. Il y a aussi une vraie différence de maturation. Par exemple, certaines filles sont réglées à 11-12 ans et ont l’air de femmes à 14 ans, alors que certains garçons qui commencent leur puberté à 13-14 ans ont encore l’air d’enfants. Donc bien sûr que cette limite est complètement arbitraire, mais si beaucoup fantasment sur leurs possibilités d’avoir des rapports sexuels dès l’âge du collège, le passage à l’acte ne se fait que très rarement. Mais la majorité sexuelle est avant tout une notion essentielle pour les adultes : un adulte quelconque qui veut avoir une relation avec un mineur de moins de 15 ans est forcément coupable. On ne peut pas supposer dans ce genre de cas le libre-arbitre d’un enfant.

Votre expérience radio et l’immédiateté que procure ce média, vous aident-elles dans votre pratique quotidienne de la pédiatrie ?

En réalité, c’est l’inverse (rires) : la pratique de la pédiatrie m’aide pour la radio ! Elle m’a appris à écouter, ce qui est essentiel.

Votre émission a été une des premières à évoquer les problèmes de sexe, en 1992. Aujourd’hui, vous êtes toujours aussi seul, pourquoi les médias sont si frileux à parler de sexe sur une antenne de grande écoute ?

Ils ne sont pas frileux pour plaisanter sur le sexe, et parfois de manière graveleuse ! Même dans les radios généralistes, ils en parlent en permanence car cela fait partie de la vie. Là où notre émission a été totalement novatrice, c’est qu’il s’agit de parler de ses propres expériences ainsi que des maux du quotidien pour y trouver des réponses. De plus, elle s’adresse à des gens jeunes, en pleine construction de leur personnalité. Ce sont sur ces points précis que nous avons été différents. Il existe aussi d’autres excellents médias d’information, comme le site internet fil santé jeune. Globalement, s’adresser à des adolescents sur ces sujets c’est très spécifique.  Et il n’y a pas plus d’émissions comme ça, tout simplement parce que le jeune public intéresse peu de radios.

Boîte noire

Grèce : chronique d’une tragédie contemporaine

Tiré d’un encart écrit pour un article intitulé « Grèce : la révolution sera télévisée », publié le 16 juin 2013 sur RAGEMAG par Paul Tantale

Les dirigeants de la Commission européenne, de la BCE et du FMI n’ont absolument rien à envier à EschyleSophocle et Euripide, tant le sauvetage de la Grèce par la fameuse Troïka tient plus de la tragédie antique que du film de super-héros contemporain. Petit rappel des faits : fin 2009, soit un an après le déclenchement de la crise mondiale, les marchés financiers commencent à s’inquiéter de l’ampleur de l’endettement public de certains pays : Portugal, Irlande, Italie, Grèce, et Espagne (surnommés les PIIGS). Puis c’est au tour des agences de notations de s’en mêler et de dégrader la Grèce. Les taux d’intérêt augmentent drastiquement, le pays risque d’être en cessation de paiement et la Troïka décide de l’aider en avril 2010. Un plan de sauvetage qui a un coût : la mise en place de réformes dites structurelles – comprendre par-là de libéralisation de l’économie – afin de remettre l’économie hellène sur les bons rails. Athènes est sommée de flexibiliser son marché du travail, d’augmenter ses recettes et de diminuer ses dépenses en appliquant le célèbre consensus de Washington. En vrac, on peut noter : la création d’un sous-SMIC pour les jeunes et les seniors, l’âge de départ à la retraite rehaussé tout comme la TVA, de nouvelles taxes, les indemnités de chômage diminuées et, dorénavant, la capacité pour les entreprises de renvoyer leurs employés comme bon leur semble. Ces mesures sont loin de faire l’unanimité. Paul Krugman, le Nobel d’économie 2008 plaide par exemple pour une annulation de la dette grecque et sa sortie de la zone euro. Mais le dogme néolibéral est toujours le plus fort.

Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévu. Le PIB se replie, les recettes avec, et les dépenses stagnent. Résultat : le poids de la dette augmente. Les socialistes au pouvoir (parti du Pasok de Papandréou) sont contraints de démissionner, en 2011, et un gouvernement de coalition (socialistes, conservateurs et extrême-droite) est mis en place. Rien n’y fait cependant : la Troïka est obligée début 2012 de faire une première concession et la dette est restructurée (53,5% de la dette est grosso modo effacée, soit 107 milliards d’euros). Ce n’est toujours pas suffisant et les électeurs tentent de pénaliser les partis du système au législatives de mai. Après un double vote qui a failli mener au pouvoir le SYRIZA d’Alexis Tsipras – et fait naître l’espoir chez toute la gauche radicale européenne – ce sont finalement les socialistes et les conservateurs qui sont reconduits.

Mais, double coup de théâtre ! Le premier a lieu le mois dernier avec l’invalidation des travaux économiques qui avaient inspiré ces politiques. Keneth Rogoff et Carmen Reinhart ont admis s’être trompés dans leurs calculs. Après correction d’une erreur dans leur tableau Excel, des experts trouvent qu’un niveau d’endettement représentant 90 % du PIB ne pénalise pas aussi significativement qu’ils le supposaient la croissance (soit non pas une moyenne en récession de -0,1 % par an, mais une croissance positive à 2,2 % par an). Plus rien ne justifie alors les politiques d’austérité imposées aux peuples européens depuis 3 ans et à divers pays du tiers-monde depuis bien plus longtemps. Le second coup de théâtre vient du FMI lui-même qui, dans son dernier rapport sorti le 7 juin dernier, admet s’être trompé dans la gestion de la crise grecque. Il reconnaît maintenant avoir exigé des réformes trop dures et pense qu’une restructuration de la dette aurait dû intervenir courant 2010, soit deux ans plus tôt, la situation politique européenne de l’époque l’empêchant. Mais la Commission européenne ne veut rien entendre et son commissaire aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, estime ne rien avoir à se reprocher. En attendant, les Grecs, eux, ont connu leur 18e trimestre consécutif de récession – un record absolu – et espèrent une nouvelle restructuration, asphyxiés par le poids d’une dette qu’ils ne pourront jamais rembourser et par des politiques d’austérité imposées comme châtiment divin pour les punir de leurs excès, d’après Paul Krugman.